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ou de sa politique du jour. L’Italie n’a donc pas de ces préoccupations qui passionnent l’opinion. Elle est pour le moment tout entière aux élections qui vont se faire dans quelques jours, et, ce qu’il y a justement de caractéristique dans ces élections, décidées un peu brusquement, c’est que les grandes questions de politique intérieure ou extérieure semblent n’être pour rien dans la lutte des partis. Ce scrutin improvisé va s’ouvrir dans une certaine obscurité qui tient à toute une situation, à la division et au fractionnement des opinions, à l’impuissance du gouvernement et des partis dans le dernier parlement.

Cette situation, elle s’accusait, elle devenait de jour en jour plus sensible depuis le commencement de la session. Lorsque, il y a deux mois, une campagne des plus vives était engagée contre le ministère, ou plutôt contre M. Depretis, par quelques-uns de ses anciens amis, par les chefs de la gauche coalisés, le président du conseil était encore assez habile ou assez heureux pour rallier une majorité. Cette majorité était assez faible cependant ; il y avait autant d’incohérence dans le camp ministériel que dans l’opposition, et ce qu’il y avait de plus clair c’est qu’on ne pouvait vivre longtemps dans ces conditions. Il est devenu bientôt évident que tout était à peu près impossible, que si le ministère restait toujours exposé, toujours menacé, ses adversaires étaient impuissans à le remplacer, et M. Depretis a pris le parti de brusquer les choses. Comment sortir d’une situation où il n’y avait que faiblesse pour tout le monde, pour le gouvernement comme pour les partis ? Une crise ministérielle, dans les conditions où se débattait hier encore le parlement italien, n’eût fait sans doute qu’ajouter à la confusion. Une modification partielle du cabinet n’eût remédié à rien, on l’a senti dès la première heure. M. Depretis a pris le parti de proposer au souverain d’en appeler au pays par une dissolution du parlement qui a eu pour prologue une prorogation de quelques jours. Le roi Humbert, à ce qu’il semble, n’est point sans avoir éprouvé quelque hésitation, et, avant de se décider, en vrai prince constitutionnel, il a tenu à consulter les chefs principaux du parlement : M. Minghetti, M. Biancheri, M. Nicotera. Il a écouté tout le monde, et ce n’est qu’après toutes ces consultations qu’il s’est décidé à accepter la proposition de son premier ministre, à signer le décret de dissolution. La lutte est donc engagée. Elle n’aura pas duré longtemps : à peine ouverte depuis quelques jours, elle sera dénouée dans quelques jours, sans avoir sérieusement ému le pays, qui va à ce scrutin sans trop savoir ce qu’on lui demande, et c’est là précisément ce que ces nouvelles élections italiennes ont de curieux.

Que propose-t-on au pays de décider dans ce scrutin du 23 mai ? Sur quel terrain, avec quels mots d’ordre le combat électoral s’engage-t-il ? Il y a sans doute en présence un ministère et une opposition. Le