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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/483

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ministère a plus ou moins exposé ses idées, sa politique dans le rapport au roi par lequel il a justifié la dissolution. La gauche, qui a été autrefois l’appui de M. Depretis et qui est aujourd’hui l’opposition sous le nom assez bizarre de pentarchie, a elle aussi son programme ou ses programmes, — sans parler de la droite, qui forme un camp à part, et de l’extrême gauche, qui fait de la propagande républicaine. Les pentarques du Nord, M. Cairoli, M. Baccarini, M. Zanardelli s’efforcent de gagner des alliés dans les provinces où ils ont de l’influence. M. Nicotera, le plus actif des chefs de la coalition pentarchique, fait une vive et ardente campagne dans le Midi ; mais si, dans ces agitations assez factices, il y a beaucoup de querelles, de compétitions personnelles, il est difficile de saisir un programme de politique nouvelle, d’autant plus que les chefs de l’opposition sont loin d’être toujours d’accord entre eux. M. Cairoli, M. Nicotera n’ont ni les mêmes idées, ni les mêmes tendances. Le seul lien qui les unisse pour le moment, c’est l’antipathie contre le président du conseil, M. Depretis, qui est depuis longtemps au gouvernement, qui représente au pouvoir le vieil esprit piémontais. Il est certain que M. Depretis, arrivé aux affaires comme chef de la gauche, avec ce qu’on a appelé le programme de Stradella, est resté presque invariablement au ministère depuis dix ans, et il s’y est maintenu par une habileté pratique de tacticien en réalisant les réformes les plus pressantes sans rien risquer, en modifiant plus d’une fois son cabinet, en essayant de se faire un parti avec tous les anciens partis. C’est justement ce qu’on lui reproche. On l’accuse de faire de la politique avec ses ruses de vieux Piémontais, d’avoir dissous ou désorganisé les anciens partis pour rester seul maître du pouvoir, de s’être créé des majorités factices dont il est le seul lien. Le pays, quant à lui, ne se passionne pas sensiblement pour ces querelles plus personnelles que politiques. Il ne voit qu’une chose : c’est que depuis dix ans il a été à peu près préservé des mauvaises aventures, il a vu ses finances se raffermir, il a vécu paisiblement et, certes, fort librement. Quel sera maintenant son vote dans les élections de demain ? Se prononcera-t-il pour M. Depretis ou pour M. Cairoli, pour M. Nicotera ? Le résultat reste fort incertain et il est douteux qu’il soit décisif, précisément parce que l’Italie n’est pas dans une de ces situations où elle pourrait se rallier à une politique faite pour la passionner et l’entraîner. L’Italie, après tout, comme bien d’autres nations, ne demande que la paix et un gouvernement sensé, éclairé pour la conduire.


CH. DE MAZADE.