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J’aurai, plus tard, occasion de revenir sur ce sujet à propos d’une négociation dont je fus chargé, en 1833 ; par délibération expresse de la chambre des députés, et dont j’aurai à raconter le singulier dénoûment.

Ce qu’avait été, pour la session de 1817, la loi des élections, la loi du recrutement le fut pour la session de 1818, je veux dire un champ de bataille entre le ministère et l’opposition royaliste. Elle fut aussi ; comme la loi sur la presse, un champ d’escarmouche entre le ministère et le parti doctrinaire.

L’idée fondamentale de cette loi, telle que l’avait conçue le maréchal Saint-Cyr, était empruntée aux travaux de mon grand-père, déposés au ministère de la guerre, et dont je possède la copie. Le maréchal Saint-Cyr lui-même s’est empressé de le déclarer, à plusieurs reprises, dans le cours de la discussion, et de se prévaloir de l’autorité d’un nom justement honoré. Cette idée, c’était de partager l’armée française en autant de corps d’armée qu’il existait en France de circonscriptions distinctes, chaque circonscription demeurant chargée d’entretenir au complet le corps d’armée qui portait son nom, et chaque corps étant lui-même une armée au petit pied composée de régimens de toutes armes avec artillerie, génie, train, etc. Ce système fut très vivement attaqué et très solidement défendu. Il ne m’appartient point de l’apprécier en militaire ; politiquement, je lui trouve de grands avantages que je me suis efforcé d’expliquer ailleurs. Mais là n’était point, toutefois, le terrain du combat. Il était dans le titre des vétérans, lequel avait pour but de remettre sur pied l’armée de la Loire, récemment licenciée ; il était dans l’avancement par ancienneté, lequel, bon ou mauvais en soi, avait pour but de soustraire l’armée à l’influence de la cour et à l’invasion rétrospective de l’émigration.

Sur ces deux points, la lutte fut violente, injurieuse, interminable. L’opposition royaliste épuisa tout son arsenal d’invectives et de récriminations. Le ministère, soutenu par le parti doctrinaire, répondit avec vigueur et autorité. La loi elle-même avait été préparée, sous les yeux du maréchal, par une commission que présidait M. de Barante. L’exposé des motifs avait été rédigé par M. Guizot, et le discours par lequel le maréchal termina la discussion était tout entier de la même main.

Le succès en fut immense. Mais, tout en soutenant le ministère dans toutes les parties essentielles de la loi, le parti doctrinaire l’attaqua vivement sur un point particulier. Il insistait pour que le contingent levé chaque année devînt chaque année l’objet d’une loi. Le ministère s’y refusait, je ne sais trop en vérité pourquoi. En définitive, le conflit aboutit à un compromis. Il fut réglé que la loi permanente déterminerait en principe le contingent annuel et qu’une loi particulière