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(resumptionists), et des adeptes de l’extension indéfinie de la circulation fiduciaire (inflationists), atteignait son plus haut degré de violence. C’est sur cette querelle que s’est greffée, quelques années plus tard, celle de l’étalon blanc et de l’étalon jaune. La question actuelle de l’argent n’est que la suite régulière de l’ancienne question des greenbacks, elle se présente avec les mêmes caractères politiques, de part et d’autre se retrouvent à peu près les mêmes combattans. La lutte du papier contre le métal a précédé et explique la lutte des deux métaux.


II.

On sait à l’aide de quelles gigantesques opérations financières le gouvernement fédéral a pu subvenir aux charges énormes de la guerre civile entre 1861 et 1865. Le total de la dette publique, qui ne dépassait pas 65 millions de dollars en 1860, atteignait près de 2,800 millions de dollars en 1866. Les États-Unis avaient emprunté, en six ans, 15 milliards de francs. Le secrétaire du trésor de cette époque, M. Chase, pour rendre possible le placement des immenses emprunts fédéraux, inventa l’ingénieuse combinaison des banques nationales, ouvrant à la fois dévastes débouchés aux titres de la dette de l’Union invendables sur le marché, et dotant les États-Unis de ce qui leur avait manqué jusqu’alors, d’une circulation fiduciaire uniforme. Il y avait, en 1874, plus de deux mille banques nationales investies du droit d’émettre des billets garantis par le dépôt au trésor d’une valeur nominale correspondante en bonds des États-Unis, et leur circulation totale atteignait environ 350 millions de dollars. Quant aux greenbacks, billets de crédit ne portant pas intérêt, émis directement par le gouvernement fédéral avec qualité de legal tender, le montant s’en élevait à un chiffre à peu près égal. En face d’une circulation fiduciaire de près de 700 millions de dollars, on n’évaluait pas à plus de 150 à 200 millions de dollars le montant total, en 1874, de la circulation en espèces d’or et d’argent. La politique financière de M. Mac Culloch et de ses successeurs (1865-1874) fut inspirée par cette double préoccupation : rembourser le plus rapidement possible la dette publique et préparer la reprise des paiemens en espèces. Les impôts si lourds, établis pendant la guerre sous la forme de taxes intérieures et de droits à l’importation, furent maintenus longtemps après la fin de la lutte, malgré le licenciement immédiat de l’armée et la suppression des plus fortes dépenses extraordinaires. Aussi-vit-on se produire, à la fin de chaque exercice budgétaire,