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des excédens formidables qui permirent d’imprimer à l’amortissement de la dette une allure extrêmement rapide. En 1873, les remboursemens avaient atteint déjà un chiffre de 2 milliards et demi de francs.

L’amortissement était effectué en or, car la majorité du parti républicain, détenteur du pouvoir et de l’administration depuis 1861, avait proclamé, aussitôt après la fin de la guerre, ce principe que l’Union était engagée d’honneur à payer en monnaie métallique et non en papier-monnaie déprécié, toutes les obligations qu’elle avait été amenée à contracter, si onéreuses que fussent les conditions de ces contrats par suite du caractère critique des circonstances au milieu desquelles ils avaient été passés. Les mesures si habilement prises et exécutées par les financiers du parti : maintien prolongé des taxes intérieures, application systématique d’un tarif douanier hautement protectionniste, paiement des droits de douane en or, extinction rapide de la dette, avaient déjà produit un abaissement considérable de la prime de l’or et rapproché l’époque où pourrait cesser le régime du papier-monnaie ; elles attestaient la solidarité de plus en plus étroite qui s’était établie entre les doctrines et les procédés financiers du parti républicain et les opinions, les aspirations, les besoins des classes riches et commerçantes dans les états de l’Est et dans les grandes villes situées sur les rivages de l’Atlantique, Boston, New-York, Philadelphie.

Un courant d’opinion tout à fait contraire s’était formé, depuis 1867, dans les états de l’Ouest, du Centre et du Sud, prenant sa source dans les rancunes des classes pauvres et débitrices contre les fortunes subites et éclatantes que la fin de la guerre civile et le rétablissement du crédit de l’Union avaient fait surgir dans la classe des créanciers. Il était de notoriété publique que, dans les états à l’ouest des Alleghanys, les gouvernemens locaux, comtés ou municipalités, les corporations et les particuliers avaient dû pendant plusieurs années contracter emprunts sur emprunts et que les trois quarts de l’Union étaient débiteurs du dernier quart établi sur l’Atlantique et maître des grands débouchés commerciaux.

Ces dettes avaient été contractées à un taux d’intérêt très onéreux ; il n’avait été généralement touché en capital qu’un papier-monnaie frappé d’une forte dépréciation. A mesure que le crédit de l’Union se relevait et que la prime de l’or s’abaissait, le débiteur voyait s’évanouir la possibilité de s’acquitter avec une monnaie aussi avilie que celle dans laquelle il avait emprunté; il lui paraissait profondément inique d’avoir à rembourser maintenant en or ou avec un papier de même valeur que l’or. Aussi la conviction s’était-elle