généralisée, dans les régions de l’Ouest, qu’entre les banquiers, les négocians, les compagnies de transports et autres détenteurs de monopoles et les porteurs de titres de la dette fédérale, s’était ourdie une vaste conspiration pour la ruine des producteurs, des fermiers, et de toutes les autres catégories de travailleurs, au moyen de la substitution de l’or au papier-monnaie.
Les politiciens, à l’affût de tous les moyens d’action sur l’imagination populaire, exaltèrent désormais, dans leurs discours et dans les programmes des conventions locales ou nationales, cette monnaie du pauvre, le greenback, dont il fallait accroître la quantité bien loin de la réduire. Peu à peu la doctrine s’étendit et se précisa. Fondée sur l’idée d’une expansion indéfinie, selon les circonstances et les besoins, de la circulation des assignats du gouvernement fédéral, elle adoptait le contre-pied du système de la reprise à bref délai des paiemens en espèces. Or s’il était bon, même nécessaire, que l’Union s’accommodât indéfiniment du régime du papier-monnaie, pourquoi chercher par des mesures artificielles, oppressives, vexatoires, à abaisser la prime de l’or et à relever le crédit des valeurs fédérales ? Aucun intérêt national n’exigeait le remboursement de la dette. Ce qu’il fallait pour subvenir aux souffrances des classes agricoles, c’était abaisser les tarifs de douane et diminuer les taxes intérieures. Il fallait surtout, et c’était là le point essentiel, effectuer, non plus en or, mais en papier, le paiement de l’intérêt et du principal de la dette publique. Le système adopté par le gouvernement fédéral d’effectuer ces paiemens en or était la cause de toutes les misères des classes pauvres, et ne pouvait viser qu’à soutenir les monopoles tyranniques constitués au profit d’une aristocratie rapace.
L’inflationism n’était donc pas seulement une théorie économique, une conception particulière de publicistes ou de politiciens sur les meilleurs procédés à appliquer pour faciliter le développement de la richesse nationale, c’était surtout un préjugé populaire, une croyance instinctive fondée sur l’idée fixe que l’état a le pouvoir d’accroître à volonté et indéfiniment le volume de la circulation monétaire, et par conséquent le bien-être général. Ce fut aussi une arme d’opposition contre le gouvernement, une menace permanente contre les classes riches, les monopoleurs, les Yankees. La situation géographique exerçait à cet égard une influence plus forte encore que les intérêts et les entraînemens de parti. De même que l’on trouvait peu de démocrates à l’est des Alleghanys et au nord du Potomac, qui ne fussent, comme les républicains de la même région, partisans du hard money, c’est-à-dire de la monnaie métallique et de la cessation du cours forcé, de même à l’ouest des montagnes