Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de contributions aurait en voix dans le collège ainsi formé. Puis ensuite, les contribuables payant 600 francs de contributions auraient formé un collège de département.

Le premier de ces deux systèmes était sincère presque jusqu’à la naïveté ; c’était un pur expédient ; en coupant la queue de chaque liste, il tranchait le nœud gordien sans essayer de le dénouer ; l’exclusion des moins imposés, sans autre motif que le danger de leur influence, avait quelque chose d’arbitraire et de brutal ; mais, si l’idée d’opérer le retranchement en imposant aux électeurs, en général, la condition d’un certain nombre d’années de domicile, et aux électeurs patentés celle d’un certain nombre d’années d’exercice dans leur profession, idée parfaitement morale et sensée, s’était alors présentée à l’esprit, ce système, à coup sûr, aurait mérité la préférence.

Il existait, en théorie, contre le nôtre, de très graves objections ; en pratique, comme on le verra, il n’a pas mal réussi ; mais ce qui effrayait principalement les esprits timides était précisément ce qui nous le rendait cher. On ne pouvait guère augmenter le nombre des collèges électoraux sans augmenter proportionnellement le nombre des députés. C’était toucher à la charte, revenir au demi-coup d’état du ministère Talleyrand-Fouché, sacrifié par l’ordonnance du 5 septembre ; or, du moment où l’on portait la main à l’arche sainte, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? pourquoi ne pas recueillir, plein et entier, le bénéfice de l’entreprise ?

Tous les hommes éclairés s’accordaient à reconnaître que le nombre des députés était trop restreint ; tous reconnaissaient que la condition de quarante ans était excessive ; l’expérience prouvait de plus en plus que le renouvellement par cinquième, en mettant chaque année la chambre en coupe réglée, y mettait, par contrecoup, le ministère quel qu’il fût : les feuilles tombent en octobre, disait plaisamment M. Cuvier, et les portefeuilles tombent en novembre. Notre plan n’allait à rien moins qu’à combiner le double vote des plus imposés, l’accroissement du nombre des députés, la réduction de l’âge à trente ans et le renouvellement intégral. Ce n’était plus un expédient en quelque sorte honteux de lui-même : c’était l’inauguration du système parlementaire pris par ses grands côtés. La grandeur du but et la libéralité du fond couvraient largement, selon nous, ce que le vote pouvait avoir, à juste titre, d’impopulaire. C’était un coup d’état légal, et un coup de force libéral. L’ensemble du corps législatif, c’est-à-dire le roi et les deux chambres, devait, comme en Angleterre, prendre le nom de parlement.

On trouvera dans mes papiers l’original du plan que j’avais conçu