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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/718

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par leurs démonstrations navales, ont atteint leur but. La Grèce bloquée par les vaisseaux de l’Angleterre, de l’Autriche, de l’Allemagne de l’Italie, de la Russie, a fini par s’incliner devant la nécessité. Au dernier moment, il est vrai, tout aurait pu, encore une fois, être compromis par des incidens inattendus. L’armée hellénique et l’armée ottomane, depuis si longtemps en présence, se sont entrechoquées. Pendant quelques jours, Grecs et Turcs ont bataillé sur la frontière, se disputant quelques postes ; mais ce n’était plus là, évidemment, qu’une effusion de sang inutile. Ces incidens de guerre, ces escarmouches d’avant-postes perdaient de leur importance dès que la Grèce, laissée à elle-même, après le départ des ambassadeurs et la déclaration de blocus, avait pris son parti de ne plus résister aux volontés de l’Europe, de dissoudre son armée de campagne. C’est, en effet, depuis quelques jours la situation à Athènes. Un ministère d’affaires ou de circonstance a paru d’abord suffire pour présider à la transition. Toute réflexion faite, c’est le chef de l’opposition, M. Tricoupis, qui a fini par se charger du pouvoir, par accepter la mission de désarmer, de liquider cette pénible crise. La question est donc à peu près tranchée. Le blocus des ports grecs sera sans doute levé d’ici à peu. Les chances de complications prochaines s’évanouissent. Est-ce à dire que tout soit fini ? Rien ne finit en Orient, on le sait bien. Personne ne sort satisfait de cette crise des Balkans, ni la Serbie, qui dévore l’amertume de ses défaites, ni la Bulgarie, qui se sent dans une situation précaire, ni la Grèce blessée dans sa fierté, ni la Turquie plus que jamais ruinée par ses armemens, et il n’est pas sûr que ce concert européen qui s’est formé pour réduire les Grecs soit lui-même bien solide. C’est du moins la paix du moment, ou si l’on veut, une trêve nouvelle. Une fois de plus, on a mis le pied sur une de ces allumettes qui peuvent mettre le feu partout, et c’est déjà quelque chose pour les gouvernemens, qui ont bien d’autres campagnes à poursuivre.

Rien, en effet, ne ressemble plus à une campagne, à une vraie campagne mêlée de péripéties, que ces débats qui se déroulent en Angleterre pour cette question irlandaise qui ne cesse de passionner l’opinion et le parlement. Depuis que la discussion pour la seconde lecture des bills de M. Gladstone est ouverte, la situation semble changer chaque jour de face. Tantôt M. Gladstone voit l’opposition redoubler de force, le nombre de ses adversaires grossir devant lui, et paraît menacé d’une inévitable défaite ; tantôt il semble reprendre l’avantage par son éloquence, par l’ascendant de sa popularité, par sa stratégie. À qui restera la victoire en définitive ? On ne le sait pas encore ; on ne voit pas comment se dénouera cette lutte où les négociations se mêlent aux discussions ardentes, où tous les partis ont pris position. Jusqu’ici les conservateurs avaient affecté de s’effacer, de laisser la première place dans le combat aux libéraux dissidens conduits par lord