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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/778

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de leurs ateliers, s’attroupaient au lieu de se disperser, et les maîtres, sans doute, y étaient pour quelque chose. Voici, du moins, un fait qui n’est peut-être que trop à ma connaissance.

Mon premier soin avait été de courir au Luxembourg et de tâcher de m’entendre avec les gros bonnets de notre chambre. Je n’y trouvai personne, Sémonville était sorti ; notre chancelier d’alors, M. Pastoret, qui, je crois, n’y demeurait pas encore, n’était point venu. Après avoir frappé inutilement à plusieurs portes, avant de repasser la rivière, j’entrai au bureau du Globe, dont le petit salon servait de cénacle aux rédacteurs de ce journal et de la Revue française, où je faisais nombre. Il ne s’y trouvait que les employés de service et l’un de mes amis, M. Renouard, aujourd’hui conseiller à la cour de cassation ; il était entré comme moi, comme un simple curieux qui court aux nouvelles. Au bout de quelques minutes, nous vîmes accourir, tout effaré, l’imprimeur du Globe; il nous raconta moitié content, moitié fâché, qu’il avait grand’peine à contenir ses ouvriers, que tous à peu près criaient à tue-tête et trépignaient de descendre dans la rue. « Eh bien! lui dîmes-nous d’un commun accord, que ne les laissez-vous faire? Nous ne sommes pas chargés de prêter main-forte à l’oppression et de faire la police contre nous-mêmes. — Qu’à cela ne tienne! » reprit-il. Et il sortit en courant. Avions-nous tort ou raison?

Je ne me rappelle guère où ni comment j’ai passé les dernières heures de cette première journée (lundi 26). Ce qui reste dans mon souvenir, c’est qu’informé par M. de Rémusat de la réunion improvisée le matin dans les bureaux du National et de la protestation qu’il avait signée en qualité de rédacteur du Globe, protestation qui devait être publiée le lendemain, je ne pus me défendre d’une inquiétude qu’il ne partageait pas. « Dans la crise où nous sommes, lui dis-je, le ministère n’a plus rien à ménager; il est très possible que, pour mieux supprimer l’écrit, il commence par supprimer les écrivains. Croyez-moi, le plus sage est de ne pas rentrer chez vous ce soir; venez chez moi, demain nous verrons. » Je lui fis préparer au second étage, et sur le derrière, une chambre de refuge; nous ne rentrâmes que tard, et il y passa la nuit. Bien lui en prit ou peu s’en faut.

Le lendemain 27, en effet, la protestation parut : elle parut, non point dans tous les journaux; les feuilles royalistes, bien et dûment munies d’une autorisation en bonne forme, se contentèrent d’entonner un cantique à la gloire du coup d’état : le Journal des Débats et le Constitutionnel, soit incertitude ou timidité, mirent pour le moment bas les armes sur le conseil de leur conseil, M. Dupin, ce dit-on ; mais les journaux d’opposition mirent, au contraire, flamberge au vent. La protestation en tête, ils furent distribués par