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nos institutions; il nous sauverait de l’anarchie et ôterait à l’Europe le droit d’intervenir dans nos affaires. Que Votre Majesté proclame le duc de Bordeaux comme roi ; qu’elle se retire avec lui sur la Loire; qu’elle y appelle, en son nom, le gouvernement et les chambres, et nous pourrons voir le terme de cette crise. — Mais il faut que mon fils y consente, répliqua le roi; resteraient ensuite les moyens d’exécution. »

Le dauphin, appelé immédiatement par Charles X, se soumit, sans hésiter, à la volonté de son père, et annonça son abdication aux officiers qui l’attendaient à sa sortie du cabinet du roi, en ajoutant : — Puisqu’ils ne veulent pas de moi, eh bien! qu’ils s’arrangent !

L’acte que le dauphin et son père venaient de signer était adressé au duc d’Orléans et conçu en ces termes :


« Rambouillet, 2 août 1830.

« Mon cousin,

« Je suis trop profondément peiné des maux qui affligent ou qui pourraient menacer mon peuple pour n’avoir pas cherché un moyen de les prévenir. j’ai donc pris la résolution d’abdiquer la couronne en faveur de mon petit-fils le duc de Bordeaux.

« Le Dauphin, qui partage mes sentimens, renonce aussi à ses droits en faveur de son neveu.

« Vous aurez donc, par votre qualité de lieutenant-général du royaume, à faire proclamer l’avènement de Henri V à la couronne. Vous prendrez d’ailleurs toutes les mesures qui vous concernent pour régler les formes du gouvernement pendant la minorité du nouveau roi. Ici je me borne à vous faire connaître ces dispositions; c’est le moyen d’éviter encore bien des maux.

« Vous communiquerez mes intentions aux corps diplomatiques et vous me ferez connaître le plus tôt possible la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu roi sous le nom d’Henri V.

« Je charge le lieutenant-général vicomte Latour-Foissac de vous remettre cette lettre. Il a l’ordre de s’entendre avec vous pour les arrangemens à prendre en faveur des personnes qui m’ont accompagné, ainsi que les arrangemens convenables pour ce qui me concerne et le reste de ma famille.

« Nous réglerons ensuite les autres mesures qui seront la conséquence du changement de règne.

« Je vous renouvelle, mon cousin, l’assurance des sentimens avec lesquels je suis votre affectionné cousin.

« CHARLES, LOUIS-ANTOINE. »