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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/844

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plus exigeans, car le radicalisme c’est l’avenir, et l’opportunisme le passé. Nous aurons ainsi, suivant les régions, des administrations différentes, représentant les nuances du parti républicain; il n’y a que le parti national qui verra le nombre de ses représentans diminuer. Après chaque élection, on changera, suivant les résultats du scrutin, les fonctionnaires afin qu’ils soient en harmonie avec l’opinion du jour et du lieu. Sous un pareil régime, quel fonctionnaire sera assuré du lendemain et pourra compter sur son mérite pour son avancement?

On disait jadis qu’une nomination faisait dix-neuf mécontens et un ingrat; notre temps vaut mieux, chaque nomination politique fait aujourd’hui un heureux et ouvre à dix-neuf agens électoraux la perspective d’avoir prochainement leur part de bonheur; et tandis que l’administration publique s’affaiblit, le monde des politiciens est en fête. C’est une consolation pour la France.

Laissons le triste spectacle qu’offrent les partis, et pour conserver notre foi entière dans l’avenir, portons nos regards sur la nation, sur ces millions de travailleurs qui sont la force de notre pays et l’espoir de tous les patriotes. Y a-t-il dans le monde un peuple plus laborieux et plus économe? Hier encore, répondant à l’appel d’un gouvernement besogneux, ne montrait-il pas sa puissance? Son calme, sa sagesse au milieu des privations qu’il subit et des déclamations qu’il entend, n’autorisent-ils pas à dire qu’il n’est pas de population plus sensée? Ne montrait-il pas récemment son énergie à supporter les fatigues de la guerre, son courage en face de l’ennemi? N’ajoutait-il pas une page glorieuse aux meilleures pages de notre histoire militaire? Ses savans, ses artistes, ses écrivains ne font pas moins de découvertes, ne produisent pas moins de chefs-d’œuvre, ne sont pas moins lus qu’autrefois. Pour mettre en valeur tout ce que la nation renferme de ressources, pour accomplir les réformes, pour donner au monde une idée exacte de la France, il suffirait que ce grand peuple eût le gouvernement qu’il mérite.


HENRI GERMAIN.