chœur : Beati qui lavant stolas ! Bienheureux ceux qui lavent leurs vêtemens dans le sang de l’Agneau! Beati!.. le musicien n’a vu que ce mot; c’est à lui seul peut-être que nous devons ce cantique à demi pastoral, à demi religieux, où la fraîcheur de la mélodie, la disposition très simple des voix, le clair tintement des triangles, tout donne l’impression d’une béatitude infinie.
La troisième partie de l’oratorio : la Vie, nous paraît inférieure aux deux autres. Elle ne renferme rien de saillant que le bel air du commencement : Et Ego Joannes, et le début du Sanctus. M. Gounod, après nous avoir montré le ciel ouvert, ne nous y a pas fait entrer. Schumann, en terminant son Faust, avait trouvé d’autres accens pour célébrer les délices du paradis chrétien. Est-ce l’inspiration de l’auteur, est-ce l’attention de l’auditeur qui fléchit ici? L’une et l’autre sans doute, et l’œuvre est trop longue pour le musicien comme pour le public. On ne peut l’écouter en entier sans y trouver quelque monotonie, sans en ressentir quelque fatigue : il aurait au moins fallu qu’elle s’achevât par une fin glorieuse, par une apothéose universelle de l’humanité sauvée à jamais. Alors seulement, la progression eût été complète. Elle ne l’est pas, et le couronnement répond mal au reste de l’édifice.
En dépit de ce reproche, la trilogie de M. Gounod est une œuvre très élevée ; puissante parfois, plus souvent touchante, elle fait grand honneur au penseur et au musicien. A mesure que le soleil descend derrière l’horizon de sa vie, on dirait que M. Gounod monte de plus en plus haut pour en contempler les suprêmes clartés. Souhaitons que la lumière baigne encore longtemps ce front glorieux. Il est beau de voir, après une radieuse journée, les rayons s’attarder sur une cime.
Les exécutans ont toujours fort à faire pour triompher de l’acoustique odieuse du Trocadéro. Donner là des œuvres nouvelles, c’est presque en compromettre le succès; à tout le moins, c’est en rendre l’audition incomplète ou pénible. De certains points de la salle on n’entend rien, de certains autres on entend trop; les ensembles ne portent pas, et les détails se perdent. Nous nous plaignions que le double chœur à la Palestrina eût été mal rendu; faut-il s’en prendre a la mauvaise sonorité du local ou à des rancunes personnelles? M. Gounod, lors de la répétition générale, avait assez vivement gourmande les choristes ; ceux-ci lui en ont peut-être voulu. Ils ont eu tort : M. Gounod était dans son droit, et dans son devoir. Les chanteurs ou les instrumentistes, au théâtre et ailleurs, oublient trop aujourd’hui que le compositeur s’appelle le maître : il serait bon qu’on les en fit plus souvent souvenir.
Les soli de Mors et Vita ont été chantés par Mme Conneau et M. Lloyd,