n’y point menacer le spectateur inoffensif de leur chute prochaine par leurs masses surplombantes. Mais hélas ! la muse de M. Darbefeuille, repliée et recourbée, au-dessus du buste qu’elle va écraser, par un tour de force inquiétant, est en train de retomber et non de remonter. Pourquoi, d’ailleurs, le masque du poète au lieu du poète lui-même, et, si ce n’est qu’un masque, pourquoi lui avoir donné les rides, les accens, le mouvement de la vie ? Tout cela ne se île pas, ne s’accorde pas, n’est ni pondéré, ni réfléchi ; les plus grandes habiletés du monde ne sauveraient pas une œuvre de sculpture composée ainsi en dehors de toutes les lois de la logique et de l’équilibre. Notre ami Molière ne demande pas à être représenté avec la solennité oui la majesté qui conviennent à un homme d’état ou à un homme de guerre ; cependant, il y a des convenances à observer dans les familiarités qu’on prend avec lui. Si M. Carlus, qui a beaucoup de talent, l’avait interrogé avant de le mettre en scène dans Molière et sa servante, le grand comique l’aurait, sans aucun doute, prié de ne pas donner à cette scène d’intérieur les prétentieuses proportions d’une entrevue héroïque. Molière est assis dans un fauteuil, son manuscrit à la main, interrogeant des yeux la grosse fille qui, debout, le poing sur la hanche, se tord de rire en suivant le texte. Voilà-t-il pas vraiment de quoi marteler à grands coups le carrare éclatant ou précipiter dans le moule le torrent de bronze incandescent ! C’est un des travers insupportables de notre temps de ne regarder dans les théâtres que les coulisses, dans l’histoire que les anecdotes, dans les grands hommes que leurs petites singularités. A force de vouloir examiner de près, on finit par ne plus voir du tout ; on a tellement le nez sur la poussière des bottes qu’on ne lève plus les yeux jusqu’aux visages. Que Molière s’amusât parfois à lire quelque scène comique à sa servante pour en essayer l’effet, rien de plus vraisemblable, de plus naturel, de plus conforme à la franche nature de notre grand comique ! Mais si vous nous transportez cette petite histoire, bien banale, sur une place publique ou sur un palier de musée, n’est-ce pas lui donner une importance étrange, n’est-ce pas défigurer l’histoire, n’est-ce pas donner à cette brave fille un rôle tout à fait inattendu, en faire presque la collaboratrice et la muse du grand poète ? Pour un peu, ce sera Laforêt qui aura fait le Bourgeois gentilhomme ou le Malade imaginaire. Cette découverte flatterait sans doute les idées du jour, mais on ne l’a pas faite encore. Non, un Molière de grandeur naturelle doit se présenter seul ou dans une compagnie de son rang. C’est ce qu’a compris M. Icard ; sa figure, sans prétention, n’est pas dénuée de caractère. M. Lambert, avec beaucoup de goût, ayant à faire, pour le château de Ferney, un
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