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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.

C’est donc fait et accompli, c’est décidé, voté et même déjà exécuté ! Ceux qui ont souffert l’exil pour leurs opinions n’ont pas reculé, maintenant qu’ils sont au pouvoir, devant la rigueur des bannissemens immérités infligés à d’autres. Ceux qui, il y a quelques années à peine, avaient des trésors d’indulgence pour les incendiaires de Paris, pour les exécuteurs des otages, et les ramenaient par une amnistie solennelle dans la ville encore meurtrie de leur passage, ceux-là, dans leur souveraine équité, ont jugé qu’il n’y avait pas de place dans la cité, au foyer de la patrie, pour des princes qui ont été toujours fidèles au pays, à qui on n’a pu reprocher que leur naissance. Ceux qui ont passé leur vie à s’élever contre les lois d’exception, contre les mesures de sûreté générale, ont trouvé tout simple de réintégrer dans la politique de la France la raison d’état avec ses iniquités, ses représailles et ses proscriptions !

C’est la première, la plus significative et la plus saisissante moralité de cette loi d’expulsion des princes que le gouvernement a proposée, qui a été votée par le sénat comme elle avait été votée par la chambre des députés, qui n’est, en définitive, que le signe éclatant de la prédominance des passions de radicalisme dans les conseils républicains. Et vainement, jusqu’au bout, jusque dans cette dernière discussion du sénat, où la liberté et le droit ne sont pas restés sans défenseurs, on a essayé d’arrêter ces emportemens de l’esprit de parti ; vainement des hommes attachés eux-mêmes à la république, le rapporteur de la loi, M. Bérenger, M. Jules Simon, M. Bardoux, M. Léon Renault, se sont fait un devoir de signaler les dangers de la voie où l’on entrait, de montrer qu’il n’y avait aucune raison de recourir à des mesures d’exception, de sortir du droit commun, que s’il y avait des