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vinrent conférer avec le chevalier de Rohan : le sieur de Sourdeval, originaire de Normandie, un lieutenant aux gardes nommé de Courlais et un autre gentilhomme appelé Bergamont, qui habitait aux Deux-Dames. Ces allées et venues se passèrent sans que Van den Enden, qui s’en était remis à Latréaumont pour l’organisation du complot, en fût toujours informé. Il ne sut même pas le nom de toutes les personnes que cet officier et son patron s’efforçaient d’entraîner. Peut-être ceux-ci se défiaient-ils des indiscrétions que pourrait commettre involontairement le médecin flamand.

Latréaumont trouva d’abord un auxiliaire tout désigné dans son neveu, le chevalier de Préau, que nous avons déjà mentionné, mais que nous allons faire connaître ici plus en détail. Guillaume Duchesne, chevalier de Préau, alors âgé d’environ vingt-cinq ans, était natif de Préau près d’Evreux. Il descendait d’une ancienne famille de Normandie, dont un membre a joué, dans l’histoire, un rôle qui rappelle le sien. En effet, un sieur de Préau est cité parmi ceux qui complotaient avec le comte d’Harcourt et qui furent surpris à Rouen par le roi Jean, le 5 avril 1356. Il fut exécuté avec le seigneur de Graville et quelques autres de leurs complices. Plus tard cette famille servit fidèlement nos rois et notamment Henri IV. Le chevalier de Préau avait connu le chevalier de Rohan, lors de la campagne des Pays-Bas, où il avait servi comme volontaire. Appartenant à l’ordre de Malte, il était de retour de cette île, depuis deux années, et cherchait vainement à se faire employer dans la marine royale. Il avait besoin pour cela de protecteurs et s’était assez mal à propos adressé au chevalier de Rohan, qui, sans crédit, n’était pas en mesure de lui procurer la faveur qu’il sollicitait. Ses relations avec le chevalier, sa proche parenté avec Latréaumont, le mettaient entièrement dans leurs mains, car sans équipage et sans argent, attendant toujours l’emploi qu’on lui avait vaguement promis, il lui fallait vivre aux crochets d’autrui. Il allait et venait de Préau, où était le manoir de sa famille occupé par son frère aîné, à Paris, où il continuait ses démarches et fréquentait le chevalier de Rohan. Il vint finalement en août 1674 s’établir chez ce prince à Saint-Mandé. Lorsqu’il résidait en Normandie, il était devenu l’amant d’une dame Anne de Sarrau, épouse en premières noces d’un sieur François de Quatremont, chevalier, seigneur d’Heudreville, puis remariée à un sieur François de Malortie, chevalier, seigneur de Villars, qu’elle avait également perdu. Cette veuve, d’une assez bonne noblesse, habitait Heudreville ; elle avait diverses relations en Normandie et quelques accointances à la cour. La religion protestante, qu’elle professait, la mettait en rapport avec ses coreligionnaires de la province, qui étaient encore nombreux avant la