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révocation de l’édit de Nantes. Son frère, nommé de Brie, avait été attaché à la suite du roi, lors de la campagne de Franche-Comté. Mme de Villars était, au dire d’un de nos informateurs, une vieille coquette, courait les amans. Elle menait à Heudreville une vie fort légère et avait eu déjà d’autres galans, notamment un sieur de Meusse et un sieur de Brisbarre. Le chevalier de Préau fit la connaissance de Mme de Villars par son oncle Latréaumont ; il avait pris récemment dans ses bonnes grâces la place qu’occupait auparavant un jeune officier, appelé le chevalier d’Aigremont. Il confia à sa maîtresse le secret de la conspiration, à la suite des plaintes que suscitait chez celle-ci, ainsi que chez bien d’autres propriétaires de Normandie, l’élévation du droit de tiers et danger[1]. « Est-ce que les gentilshommes souffriront cela ? s’était écrié le chevalier de Préau, en entendant ces clameurs. — Il n’y en a pas un seul qui ose branler, avait répondu Mme de Villars. — Mais s’ils avaient des chefs ? répliqua le chevalier. — Quels chefs ? » demanda la dame. Et là-dessus le chevalier lui parla de Rohan et de Latréaumont ; ce qui amena tout naturellement la révélation du complot. Une fois au courant, Mme de Villars se chargea de faire de la propagande et de gagner des adhérens. De retour à Paris, le chevalier de Préau entretint à ce sujet avec elle une correspondance. Il s’agissait de profiter du mécontentement qui régnait alors chez la noblesse de Normandie ; mais l’opposition qu’on y faisait aux ordres du roi ne pouvait durer longtemps, et Mme de Villars était d’avis qu’on se hâtât, afin de ne pas laisser échapper le moment favorable. Leurs menées n’allèrent pas bien loin : tout se réduisit d’abord à de mauvais propos et à des clabauderies entre Mme de Villars et des personnes avec lesquelles elle entretenait des relations de voisinage ou d’intérêt. Évidemment, les forces manquaient aux conjurés. Peu de temps avant que l’affaire eût été éventée, le chevalier de Rohan ayant demandé au chevalier de Préau si les gentilshommes de Normandie étaient disposés à monter à cheval et s’ils voudraient faire quelque chose, ce dernier répondit qu’il ne savait pas si ceux qui avaient des chevaux voudraient monter à cheval, mais qu’il y en avait les deux tiers qui n’avaient ni argent ni chevaux. « Eh bien ! tous vos projets s’en sont allés en fumée, » s’écriait la dame de Villars en s’adressant à son amant, dont elle fut plus d’une fois accompagnée dans ses allées et venues en Normandie, à la recherche de

  1. Le tiers et danger était un droit que le seigneur propriétaire de bois devait acquitter envers le roi, quelquefois envers un autre seigneur suzerain. Il était établi dans toute la Normandie et consistait dans le tiers du prix de la vente du bois provenant des coupes, ce qui constituait le tiers, et dans un dixième, qui constituait le danger.