Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pattes d’un noir lustré, abonde dans la contrée montagneuse de Salasie, installe son filet pour la nuit et son agréable retraite pour le jour sous les toitures des maisons, les saillies des rochers, les branches des grands arbres[1]. L’épéïre livide, de taille plus grande, de charmante teinte lilas, vit dans le même luxe, sous les toits des habitations malgaches de la province d’Imerina[2].

Que les épéïres, qui marquent dans leur monde comme de très hauts personnages, retiennent l’attention et séduisent les observateurs, rien de plus naturel. Cependant, on aurait tort de dédaigner les humbles. Au milieu de la végétation, sur les murs des villages et même des grandes villes, errent des araignées que leurs faibles proportions conduiraient à faire classer parmi les plus insignifiantes. Ces humbles jouent un rôle dans la nature et servent parfois les intérêts des agriculteurs en opérant la destruction d’une infinité d’insectes nuisibles : tels les théridions. De ces êtres chétifs, les uns forment, de fils simples et brillans, une toile à larges mailles, tandis que d’autres confectionnent un véritable tissu qui repose directement sur des herbes ou qui est fixé aux plantes par des liens plus ou moins irréguliers. D’ordinaire, les théridions se tiennent sous les toiles et se précipitent sur la proie en l’embarrassant de fils. Les femelles façonnent plusieurs cocons pour contenir leurs œufs et elles les gardent dans leurs filets ; certaines espèces édifient un abri en forme de dôme au moyen de corps étrangers retenus par des cordages. Souvent, dans les vignobles, les raisins sont couverts d’une toile si fine qu’elle échappe aux yeux de la personne qui mord dans la grappe avec avidité : une petite araignée était sous la toile ; inaperçue, elle a été avalée. Walckenaer, le premier, ayant considéré l’animal, le nomma le théridion bienfaisant[3]. Propriétaires de vignobles, à la fois ignorans et ingrats, vous ne connaissez pas le théridion bienfaisant et vous ne vous préoccupez en aucune laçon.de l’immense service dont vous lui êtes redevables. Le théridion vit en partie d’insectes qui portent préjudice à la vigne ; sa petite toile suffit à protéger les raisins contre les attaques de divers animaux très amis des bons fruits, mais ayant crainte de s’embarrasser la bouche de fils d’araignées.

D’une manière très générale, les araignées prennent souci de s’isoler les unes des autres ; c’est, affaire d’instinct : s’il n’en était ainsi, ce seraient de perpétuels égorgemens. Malheur à la plus faible ou à la moins adroite ! Deux araignées en présence ne manquent (1)

  1. . Epeïra Borbonica de l’Ile de la Réunion.
  2. .Epeïra livida de Madagascar.
  3. Theridium benignum.