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informer le gouvernement de ce qui s’était ourdi. s’il eût différé à le faire, il se serait rendu complice de l’entreprise. Comment devait-il agir ? Il demeura un instant fort perplexe à cet égard ; il prit finalement le parti de révéler à Louvois ce qu’il avait découvert et écrivit, en conséquence, au ministre pour en solliciter une audience, donnant pour motif des affaires urgentes qui intéressaient, au plus haut degré, le service du roi. Louvois, qui était alors à Paris, lui accorda l’audience sollicitée. Du Cause fut introduit près du ministre, auquel il rapporta tout ce qu’il avait observé. Louvois lui reprocha d’avoir tant tardé à dénoncer ce complot. Il trouvait mauvais que le jeune gentilhomme ne l’eût point averti avant le départ de Van den Enden, qui pouvait, disait-il, maintenant lui échapper. Afin de recueillir de nouvelles indications, il dit à Du Cause de retourner à la maison de Picpus et d’épier là tout ce qui se passait. Le pensionnaire de Van den Enden devait lui faire parvenir chaque jour par Rouillé, fermier des postes, une relation de ce qu’il aurait observé.

Peu de jours après que Du Cause eut révélé à Louvois l’existence du complot, une autre information vint confirmer ce qu’il avait annoncé. Louis XIV reçut une dépêche du roi d’Angleterre qui l’avertissait de se tenir sur ses gardes parce que, en France, il devait se tramer quelque chose de très grave qu’on n’avait pu toutefois découvrir. Cette information, disent les témoignages du temps, avait été fournie au roi d’Angleterre par un prince italien qui était très favorable à la France, où il avait été fort bien reçu et qui continuait à voyager. C’était pour s’être trop hâté de parler en apportant à Bruxelles son message, que Van den Enden avait laissé tomber quelques paroles compromettantes dans une oreille qui les avait recueillies. Le médecin flamand, à ce que nous apprend Du Cause, était entré chez le comte de Monterey, en équipage de courrier, tenant sous le bras un sac de velours noir, plein de papiers, et tout joyeux, il s’était écrié en montrant son sac : Monseigneur, la bécasse est bridée! Monterey lui coupa la parole au plus vite, voyant l’indiscrétion que le messager du chevalier de Rohan allait commettre. Il lui dit d’aller se reposer, qu’ils auraient ensuite le temps de causer. Mais, afin que cette visite inopinée n’éveillât pas les soupçons du prince italien, le gouverneur espagnol lui dit, en manière de confidence, et assez imprudemment, que « pour le coup, Louvois allait être leur dupe, qu’ils avaient trouvé moyen de faire passer Zi, 000 hommes, à sa barbe, sans qu’il pût s’en apercevoir, pour s’emparer d’un poste qui lui était important, ainsi qu’à l’armée espagnole. » Le prince italien ne prit pas le change. L’arrivée soudaine de ce courrier lui fit penser qu’il s’agissait de