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accompagné de son domestique, le Gascon Lanefranc, qui avait pris le cheval du chevalier de Préau. Latréaumont donna à ses amis pour motif de ce voyage, un procès qu’il aurait eu à Rouen ; il laissa derrière lui, à Paris, le chevalier de Préau, fraîchement arrivé de Préau, en vue de se mettre au fait des dernières dispositions prises et que mandait son frère l’abbé, avisé, de son côté, de ce qui se tramait. Le chevalier de Préau était informé des relations de Latréaumont avec Yan. den Enden ; il a rapporté dans le procès que, peu de jours avant leur départ de Paris, ces deux personnages avaient dîné ensemble à la maison de la rue Jean-Saint-Denis, à l’image de Saint-Joseph, où Latréaumont se réunissait parfois avec le chevalier de Rohan, avant que celui-ci eût été s’établir à Saint-Mandé. Le chevalier de Préau devait servir d’intermédiaire, pendant l’absence de son oncle, entre celui-ci et le chevalier de Rohan, chez lequel il alla loger, dès son arrivée à Paris, alors que ce dernier se trouvait, pour quelques jours, à Versailles. Rohan n’avait pas tardé à revenir à Saint-Mandé et, de concert avec son jeune complice, il s’était occupé de s’assurer les ressources qui lui étaient indispensables à l’entreprise. Là gisait la grosse difficulté; mais Rohan ne reculait devant aucun moyen, pour se les procurer. Il disait au chevalier de Préau : J’aurai de l’argent per fas et nefas, et le jeune chevalier, qui ne savait pas un mot de latin, ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Cette pénurie pécuniaire nuisait singulièrement au recrutement des conjurés, et le chevalier de Préau lui-même, presque réduit à» la détresse, ne semble pas avoir déployé grande ardeur dans la circonstance. Ce à quoi il visait avant tout, c’était à obtenir quelque emploi. En cela, il avait bien gratuitement compté sur le chevalier de Rohan, qui l’amusait de belles paroles et lui représentait le succès de la conspiration comme infaillible. Latréaumont, qui se trouvait à Rouen depuis le commencément de septembre, écrivait à son grand patron que tout allait à souhait. Il avait vu ceux qu’on s’était affiliés, notamment Maigremont, et dans un souper chez Mme de Gouville, il avait conféré avec eux. Mais il lui était plus malaisé de préparer le soulèvement de la population, bourgeoise ; pour les paysans, il comptait sur les placards qui devaient être affichés.

C’est au milieu de ces menées que Latréaumont, dont la police avait promptement trouvé la trace, fut arrêté. Un major des gardes, Albert de Brissac, qui avait été envoyé de Paris à Rouen, pour l’appréhender, le surprit au lit, le 12 septembre, au matin. Comprenant que tout était découvert, Latréaumont appela son fidèle Lanefranc et lui donna, à l’oreille, l’ordre d’aller jeter dans les lieux d’aisances la malle où étaient renfermés ses papiers. Brissac, qui