Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

damnable supériorité en dénigrant le genre humain. » Il faut distinguer en outre les degrés de l’orgueil ; l’un de ces degrés est la vanité. Celle-ci « a quelque chose de plus extérieur : tout s’y réduit à l’ostentation... L’orgueil est une dépravation plus profonde; l’homme se regarde lui-même comme un Dieu. » Les hommes vains ne sont que des esprits faibles « qu’on mène où l’on veut par des louanges, qui s’arrêtent à tous les miroirs qui les flattent et qui s’éblouissent à la première lueur d’une faveur même feinte. » Mais on n’en est pas moins vain quand on se nourrit d’une gloire cachée et intérieure, et que tout en ayant l’air de mépriser la vaine gloire, « on en a séparé le mets le plus exquis et le plus délicat, pour en tirer le plus fin parfum, et pour ainsi dire l’esprit et la quintessence de cet aimable poison. » A cet orgueil qui se manifeste sous tant de formes, se rapporte encore l’amour de la réputation et de la gloire : « Les hommes du monde mettent tellement la vie dans ce bruit tumultueux qu’ils osent bien se persuader qu’ils ne seront pas tout à fait morts tant que leur nom fera du bruit sur la terre. La réputation leur paraît une seconde vie ; et peu s’en faut qu’ils ne croient qu’ils sortiront en secret de leur tombeau pour entendre ce qu’on dira d’eux. » De l’orgueil naît encore l’envie, « noir et secret effet d’un orgueil faible qui se sent ou diminué ou effacé par le moindre éclat des autres. C’est le plus dangereux effet de l’amour-propre. L’orgueil est entreprenant et veut éclater ; l’envie se cache sous toutes sortes de prétextes et se plaît aux plus noirs venins. »

L’envie nous mène à d’autres passions qui ne sont plus engendrées par l’orgueil, mais par la haine, « à cette aigreur implacable d’un cœur ulcéré qui songe à se satisfaire par une vengeance éclatante, à ces meurtres que vous fait faire tous les jours une langue envenimée, à cette malignité dangereuse qui vous fait empoisonner si habilement une conduite innocente. » Jalousies, soupçons, défiances, calomnies, tels sont les fruits de la haine : « Que méditez-vous, malheureux ? Quoi ! vous méditez d’aller porter vos soupçons jusqu’aux oreilles du prince ? Ah ! songez qu’elles sont sacrées, et que c’est les profaner indignement que d’y vouloir porter les injustes préventions d’une haine aveugle, ou les malicieuses inventions d’une jalousie cachée, ou les pernicieux raffinemens d’un zèle affecté. » Moins noires, moins terribles, mais non plus innocentes, parce qu’elles conduisent aux excès précédens sont les petites méchancetés de la conversation, les médisances, les faux rapports, tout ce qui entretient la haine parmi les hommes, « tout ce qui fait changer la langue en arme offensive, plus tranchante qu’une épée, et portant plus loin qu’une flèche. » La médisance a sa source dans