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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/917

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génératrice est inodore et insipide. La densité n’est pas la même : trois litres d’oxygène pèsent autant que deux litres d’ozone ; enfin les propriétés chimiques s’exagèrent au point que le mercure et l’argent, inaltérables à l’air, s’emparent de l’ozone. Si celui-ci est pour ainsi dire de l’oxygène exalté, le phosphore rouge, dont nous avons dit un mot, est un phosphore adouci dont les caractères sont atténués, sans parler du légendaire phosphore noir entrevu de temps en temps par les Thénard et dont l’existence est fort douteuse en tant que produit pur. Le soufre offre plusieurs variétés dont les couleurs ou les solubilités dans le sulfure de carbone sont loin d’être les mêmes. Il y a deux espèces de bore, trois espèces de silicium, et les ouvrages de chimie consacrent des pages entières à la description des nombreuses formes que peut affecter le carbone et que diversifient encore des proportions plus ou moins grandes de corps étrangers. Ce n’est pas que, dans la longue série des métaux, les travaux n’aient fait découvrir plusieurs cas de modifications allotropiques, mais les singularités diminuent graduellement à mesure que la tendance métallique s’accentue, et finalement l’argent vierge, le sodium pur, le mercure bien nettoyé, sont toujours identiques à eux-mêmes.

À ce propos, on peut se demander si la limite qui sépare les métaux des métalloïdes est nette ou confuse, naturelle ou arbitraire. La réponse n’est pas douteuse : la barrière élevée par la science est purement fictive puisque l’accord entre les praticiens et les théoriciens, d’une part, et entre les savans des différentes écoles, d’autre part, est loin d’être satisfaisant. Il est bien clair que le potassium, le zinc, le cuivre sont des métaux pour tout le monde, de même que l’iode, l’oxygène, le soufre sont invariablement qualifiés de métalloïdes. Les propriétés physiques et chimiques des premiers diffèrent à tel point de celles des derniers qu’aucune hésitation n’est possible. Mais il existe des élémens ambigus, à propriétés bâtardes, qui jouent le rôle du centre gauche dans une assemblée parlementaire et dont la place est malaisée à déterminer. D’accord en cela avec les auteurs du début de ce siècle, les traités de chimie analytique classent hardiment parmi les métaux tous ces corps à fonctions mal définies ; pour eux il n’y a de vrais métalloïdes que le chlore, le brome, l’iode, le fluor, l’oxygène, le soufre, l’azote, le phosphore, le bore, le carbone, le silicium et l’hydrogène, en tout juste douze corps simples qu’on oppose aux vingt-quatre métaux usuels. Commode en pratique, cette manière de voir n’est pas adoptée dans l’enseignement secondaire officiel dont les programmes ont été rédigés suivant les idées de l’illustre Dumas. L’on ajoute alors à la liste précédente l’arsenic et parfois l’antimoine, par le