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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/672

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d’Alger. Il a fallu dessécher les marais, assainir le pays, et tout cela ne s’est pas fait sans coûter la vie à un grand nombre de nos compatriotes. Enfin, la prépondérance de l’armée en éloignait nécessairement l’élément civil. Les généraux, les officiers et les soldats eux-mêmes, avaient plus de sympathie pour la race belliqueuse, mais irréconciliable des Arabes, que pour les petits colons du Var et de l’Hérault qui venaient pourtant là faire les affaires de la France. Si on réfléchit de plus à ce fait que la population française ne s’accroît plus que par l’addition d’élémens étrangers et qu’elle ne peut trouver nulle part un plus beau pays que le sien, on cessera de s’étonner de la lenteur avec laquelle l’émigration a marché jusqu’ici ; mais le mouvement commence à s’accentuer, l’Algérie est en grand progrès, et il suffirait d’une bonne direction et d’un peu moins d’entraves administratives pour qu’elle prît le plus brillant essor, pour que les Français qui partent chaque année pour l’Egypte, le Chili, le Brésil ou les bords de la Plata, prissent la route de notre belle possession africaine, qui leur offrirait les mêmes ressources, avec une distance beaucoup moins grande à parcourir.

Nos colonies proprement dites n’offrent ni les mêmes séductions ni les mêmes avantages. A l’exception des petites îles de Saint-Pierre et Miquelon, toutes sont situées dans la zone intertropicale et ne se prêtent, par conséquent, ni à l’expansion de notre race ni à la formation de colonies agricoles ; mais elles sont, pour la plupart, le siège d’un mouvement commercial qui n’est pas sans intérêt, et, malgré l’insalubrité de la plupart d’entre elles, elles nous rendent de réels services. Les Antilles sont, comme je l’ai dit, les îles les plus séduisantes qu’on puisse habiter. La beauté du ciel, la richesse de la végétation, l’aspect pittoresque des mornes et des savanes, le charme et la douceur du climat, tout y attire les Européens et les ravit au premier abord. Elles ne sont pas insalubres ; les maladies endémiques y règnent comme dans toute la zone intertropicale, mais la mortalité n’y est pas élevée, en dehors des épidémies de fièvre jaune qui sont le fléau de ces latitudes. Les blancs peuvent y vivre, à la condition de ne pas cultiver le sol, sauf dans les montagnes.

Elles ont été riches et prospères tant qu’elles ont été cultivées par des esclaves et tant que le placement de leurs produits sur le marché français a été assuré par le monopole ; elles ont commencé à décliner quand le sucre indigène est venu faire concurrence à la canne, et l’émancipation leur a porté un coup plus fatal encore. C’est en vain qu’on a fait appel à l’immigration, qu’on s’est efforcé de remplacer les noirs par des travailleurs indiens et chinois. La Martinique et la Guadeloupe n’ont pas recouvré leur prospérité d’autrefois ; il est même à craindre qu’elles ne la retrouvent