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les événemens du commencement de cette année : il consoliderait la paix générale. Je me refuse à croire que M. de Bismarck sacrifie à de futurs et d’inavouables contingens les avantages présens et certains qu’il trouverait à marcher d’accord avec nous dans la question italienne. » M. de Moustier, prenant ses désirs pour des réalités, ajoutait à la suggestion du comte de Goltz, malgré ce que lui mandait le comte Benedetti, que les difficultés principales qui préoccupaient le cabinet de Berlin étaient aplanies, que l’Italie et le saint-siège adhéraient en principe, que l’Autriche, la Bavière, le Wurtemberg, Darmstadt et le Portugal se déclaraient également prêts à se faire représenter. Il reconnaissait toutefois qu’à Londres, sans repousser notre invitation, on désirait connaître les questions qui seraient débattues et s’assurer par des négociations préliminaires de l’empressement que mettraient l’Italie et le saint-siège à adhérer à la décision qui serait adoptée par la conférence. L’Angleterre nous était hostile, mais ses objections, bien qu’empreintes de mauvais vouloir, étaient motivées; il ne pouvait lui convenir de s’asseoir devant une table verte, les yeux bandés, elle tenait à savoir si les deux puissances dont on voulait concilier les prétentions étaient disposées à adhérer aux décisions des plénipotentiaires; elle estimait que l’Europe ne pouvait pas s’exposer, une fois réunie, à voir la cour de Rome et l’Italie décliner sa compétence et protester contre ses arrêts. Mais le gouvernement de l’empereur maintenait ses objections ; il disait qu’il ne lui appartenait pas de se constituer d’avance, en quoi que ce soit, juge et partie, en préparant lui-même les solutions qui ne pouvaient être utilement recherchées que dans la conférence.

On tournait dans un cercle vicieux. Les puissances invitées réclamaient un programme et la France se refusait à le formuler. Le pape ne demandait qu’à perpétuer le statu quo, et il répugnait à l’Italie de prendre devant l’Europe des engagemens qui lui eussent interdit à jamais la possession de Rome.


IV. — LES CONTRADICTIONS DE LA DIPLOMATIE ITALIENNE.

La tâche du général Menabrea était ingrate; déjà on oubliait, en Italie, qu’il s’était sacrifié à son roi, dans une heure critique, en prenant le pouvoir, dont personne ne se souciait. On le rendait responsable des humiliations que M. Rattazzi, par la duplicité de sa politique, avait fait subir au pays. On ne lui tenait pas compte des services qu’il avait rendus à la cause nationale en sauvant la péninsule de la révolution et en désarmant la France, dont on avait à redouter les légitimes ressentimens. On flétrissait ses