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compromissions avec la cour des Tuileries; on n’attendait que l’ouverture du parlement pour l’accabler. L’opposition, atterrée par Mentana, avait été la première, cependant, à conseiller le rappel immédiat des troupes italiennes du territoire pontifical : elle redoutait alors une rencontre avec les soldats français ; elle craignait qu’un conflit ne mît en question l’existence de l’Italie ; aussi avait-elle mis une sourdine à ses revendications. Mais, dès qu’elle s’était sentie à l’abri de nos coups, elle avait relevé la tête; remise de ses terreurs, elle poursuivait contre la France une lutte ténébreuse, acharnée, implacable. Les comités révolutionnaires se reformaient et décrétaient l’assassinat de l’empereur ; des complots se tramaient dans tous les coins de la péninsule. La police française était sur les dents, chaque jour on lui signalait de nouvelles conspirations. « Mentana, disait la Gazette du peuple, sera vengé à Paris avant de l’être à Rome. »

Le général Menabrea ne se laissait pas intimider : il tenait tête aux passions ; il réprimait les désordres à Turin, à Milan, à Naples ; il désarmait les volontaires de Garibaldi et traquait les séides de Mazzini. Il était soutenu par le sentiment du devoir ; mais il se préoccupait, à juste titre, de la chambre, car il n’était pas sûr d’y trouver une majorité. N était-elle pas la complice de M. Rattazzi, ne l’avait-elle pas encouragé? Ses passions ne reprendraient-elles pas le dessus aujourd’hui que le péril était conjuré? Le comte Menabrea aurait voulu gagner du temps pour arriver devant le pays en parfait accord avec la France; il ajournait, dans cet espoir, la convocation du parlement ; il songeait même à le dissoudre. Mais les esprits étaient encore trop excités pour qu’on pût se risquer d’en appeler au bon sens de la nation. Les épreuves que venait de traverser l’Italie ne l’avaient pas assagie ; elle persistait à réclamer Rome, elle poursuivait avec d’autant plus d’impatience le couronnement de son unité qu’elle espérait y trouver un terme aux agitations révolutionnaires. Le ministère avait tout lieu de craindre que ses adversaires ne s’emparassent de la question romaine, qu’il avait à cœur d’apaiser et de résoudre, pour le renverser. Il faisait appel à la modération du cabinet des Tuileries; il espérait qu’il lui ferait des concessions qui lui permettraient de prouver au parlement que, dans ses pourparlers avec la France, il n’avait pas fait litière du programme national. Mais les influences ultramontaines étaient prédominantes à Paris. On déclinait une entente directe ; ce n’est pas qu’on se refusât à toute transaction, mais on voulait, tant que la conférence ne serait pas réunie, tenir la balance égale et ne pas avoir l’air de sacrifier une partie quelconque des droits du saint-siège aux revendications italiennes. Notre mutisme mettait le cabinet de Florence aux abois; il en arrivait à ne plus vouloir du congrès,