qu’au début il avait accepté chaleureusement, sans réserves, convaincu qu’il s’y présenterait d’accord avec nous. Il ne pouvait pas, en bonne conscience, paraître dans une conférence sans être certain qu’il n’y serait pris aucune détermination contraire aux aspirations nationales. La prudence lui commandait de ne pas nous heurter de front en revenant trop brusquement sur son acceptation, et le patriotisme lui faisait un devoir de prémunir l’Italie contre la contestation de ses droits devant un aréopage européen. Sa diplomatie se ressentait de cette double préoccupation ; elle donnait le spectacle de singulières contradictions en se mettant trop volontiers au diapason des gouvernemens auprès desquels elle était accréditée.
Tandis que nous nous félicitions des bonnes dispositions que nous manifestait M. Nigra, les envoyés du roi tenaient à Londres et à Berlin le langage le plus propre à faire échouer les négociations. On nous disait, à Paris, qu’on désirait la conférence, et l’on déclarait le même jour, à Berlin et à Londres, qu’on ne s’en souciait pas. Le marquis de Moustier demandait l’explication de ce quiproquo. « Lord Stanley, télégraphiait-il à Florence le 12 novembre, vient de dire au baron Baude, notre chargé d’affaires, que le ministre d’Italie déclarait, en invoquant ses instructions, que son gouvernement désirait ne plus participer à la conférence. Que veut dire cela ? Nigra, que j’ai vu encore tout à l’heure, me par le sans cesse du désir de son gouvernement de voir la conférence se réunir et se réunir promptement. Il me dit que le cabinet de Florence unira ses efforts aux nôtres pour amener l’adhésion de l’Angleterre et de la Prusse. Rien, cependant, n’est plus propre à faire hésiter le gouvernement britannique que le langage de l’envoyé italien. Nous sommes surpris et affligés. » Notre chargé d’affaires répondait aussitôt : « Le général Menabrea s’étonne et regrette l’interprétation que son représentant en Angleterre donne à ses instructions ; il dit que le langage de M. Nigra rend exactement sa pensée et il annonce qu’il l’envoie à Londres pour rectifier le malentendu. »
Notre ministre des affaires étrangères croyait le malentendu éclairci et l’Italie prête à s’associer à nos démarches. Il n’en était rien. Les agens italiens à Londres, à Berlin et à Pétersbourg ne modifiaient pas leur attitude. M. de Moustier se voyait contraint, en face des déclarations qui se croisaient et se contredisaient, de demander à M. de Malaret de lui donner enfin le mot de cette persistante énigme : « j’ai reçu votre dépêche du 19, lui disait-il, que j’ai considérée comme une adhésion explicite. Le langage de Nigra, d’ailleurs, n’a pas cessé d’être satisfaisant ; il a même annoncé au ministre de Russie l’acceptation de son gouvernement, et Budberg