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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/344

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ardens, entièrement dévoués à ce qu’ils appellent avec un peu d’emphase la renaissance des lettres catalanes. Renaissance est un terme qui implique la mort ou tout au moins la léthargie; peut-être n’est-il pas plus juste que ceux de résurrection et de rénovation. Restauration conviendrait mieux, étant données les conditions dans lesquelles se produit ce retour tardif vers un passé glorieux, mais lointain, qu’il paraît plus aisé de rappeler que de recommencer. Ce serait une chimérique entreprise. Cependant, comme tout effort est un symptôme de vitalité, la curiosité de l’observateur peut s’arrêter avec intérêt et quelque profit sur un mouvement qui n’est à coup sûr ni une crise ni une révolution, mais dont l’importance ne saurait être méconnue, puisqu’il a trouvé des partisans et des adversaires, et en Catalogne même, et en Espagne, où l’opinion publique, représentée par la presse et par les compagnies savantes, s’inquiète de ce renouveau ; et à l’étranger, particulièrement dans le midi de la France, où la ligue des patois de la langue d’oc exploite habilement le réveil littéraire de la Catalogne. Les Allemands et les Scandinaves, si attentifs aux manifestations du génie novo-latin, suivent d’un œil curieux la nouvelle évolution d’une race qui, depuis bientôt deux siècles, semblait avoir renoncé aux conquêtes de l’esprit.

Quelle que soit la nature de ce mouvement imprévu, et quelle qu’en doive être la durée, il serait puéril de le méconnaître. Et puisqu’il se prolonge, l’occasion est excellente pour s’enquérir des titres littéraires d’un peuple qui a marqué son passage dans le monde par des actions mémorables et par des œuvres qui gagneraient à être plus connues, et qui sans doute seraient dignement appréciées des connaisseurs, s’il y avait une bonne histoire de la littérature catalane. Malheureusement, cette histoire, noyée dans celle de la littérature espagnole, est encore à faire, malgré d’estimables essais qui, en Catalogne même, en France, en Italie, en Allemagne, pour ne rien dire des études partielles et des matériaux épars dans divers recueils spéciaux, ont signalé plutôt que comblé une regrettable lacune. En attendant l’historien de cette littérature trop peu connue, il est permis d’ébaucher, sans présomption ni témérité, une esquisse historique de la langue et des lettres catalanes, en suivant tout simplement la succession des temps, en écartant surtout avec le plus grand soin les controverses stériles et l’appareil technique qui accompagnent d’ordinaire les travaux méritoires et arides des grammairiens et des philologues de la nouvelle école, trop visiblement enclins à élever de hautes et épaisses barrières autour du champ qu’ils défrichent avec infiniment plus de savoir que d’amabilité. Un peu plus d’agrément ne nuirait point à la prospérité