bien d’autres points, son imitateur. Juda avait désormais un sensorium commun. Cette petite nation, si pauvre en institutions politiques, était la plus richement douée qui fut jamais pour l’agitation religieuse. La fièvre qui la dévore ne s’éteindra plus.
Les lévites étaient très pauvres, n’ayant guère, pour vivre, que les aubaines du temple. Le peuple des anavim ou pauvres de Dieu, vivant de son autel, oisifs à l’ombre de son temple, grossit démesurément. La poésie du temple était créée. L’enceinte qui l’entourait fut le point d’attache de mille sentimens. Il fut clair que, si ce temple venait à être détruit, il serait rebâti par l’amour qu’il avait inspiré. À cette heure-ci, le judaïsme est véritablement fondé ; ses racines ne seront plus ébranlées ; il vivra éternellement, poussant de droite et de gauche les rameaux les plus féconds. L’œuvre idéale, vaguement aperçue par tous les voyans d’Israël, est maintenant réalisée en une maison de pierre, qu’on peut croire indestructible pour l’éternité.
Cette savante façon d’enguirlander la vie dans un cycle de fêtes et de pratiques ayant un sens spirituel, dont le christianisme a réalisé le chef-d’œuvre au moyen âge, est bien en effet la création du judaïsme. Un pieux juif du temps de Josias était presque aussi heureux, par sa religion, qu’un chrétien du temps de saint Louis. Toutes les passes difficiles de la vie étaient enchantées ou désinfectées. On ne voit pas que le mariage juif fût accompagné de cérémonies religieuses. Les funérailles étaient une triste nécessité, comme tant d’autres, que l’on ne chercha pas à sanctifier. Mais la circoncision, qui ne fut à l’origine qu’une opération préalable au mariage, prit de bonne heure un sens mystique ; elle signifia purification et consécration. On l’appliqua aux dispositions intérieures ; on parla de circoncision du cœur. Le jeûne, comme manifestation publique, allait prendre une extension extraordinaire et s’attacher aux anniversaires de deuils nationaux. On touchait aux sacremens. Les conditions essentielles de ce qui a fait le côté attachant de la vie juive et de la vie chrétienne étaient déjà posées.
L’état tout à fait fragmentaire où nous est parvenue l’histoire des rois de Juda ne nous permet de voir, de toutes ces grandes choses, que le résultat. Qui inspira, qui assista Josias dans cette grande réforme, où il eut sans doute une faible part personnelle ? Le nom de Jérémie se présente de lui-même. Sur tous les points l’accord est parfait entre les vues du prophète et les mesures prises par le roi. Les prophètes de l’école d’Amos, de Michée, d’Isaïe n’auraient nullement conseillé de donner cette importance au temple, dont ils se souciaient assez peu. Mais Jérémie était bien plus prêtre que les prophètes antérieurs. Il était naturel qu’il versât du côté