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inscriptions d’Asoka, qui sont ce que nous appellerions des affiches, et qu’on s’attendrait à trouver partout les mêmes, il n’y en a pas deux qui soient identiques. L’ancienne Histoire sainte était ainsi presque inconnue. L’intention du parti piétiste étant de frapper un grand coup, son plan consista bien moins à tirer de l’oubli les parties législatives de l’ancien texte, qu’à composer un texte nouveau, où les prescriptions anciennes fussent enchâssées d’une façon mieux accommodée aux idées du temps.

Le besoin d’un tel livre se faisait particulièrement sentir depuis que l’activité religieuse de l’entourage de Josias avait singulièrement perfectionné et complété la religion. On voulait un livre qui résumât tout l’idéal législatif de l’école théocratique, la règle d’un état parfait selon Iahvé. Naturellement la révélation de ce code fut censée avoir été faite à Moïse. Mais la révélation du Sinaï (ou, comme on disait alors, du Horeb) était censée un fait complet et achevé. On supposa donc une seconde révélation plus compréhensive que la première, que Iahvé aurait faite à Moïse, au-delà du Jourdain dans la plaine d’Arboth-Moab, avant le moment solennel de l’entrée dans la terre promise. Très peu de personnes étaient en mesure de soulever une objection capitale, qui eût été d’opposer le texte ancien au texte nouveau. La nouvelle révélation, d’ailleurs, n’excluait pas l’ancienne ; elle était censée n’en être que la conclusion et le résumé[1]. Enfin, l’intrigue pieuse d’où sortit le texte nouveau avait probablement pour complices toutes les personnes qui connaissaient les vieux livres et qui eussent pu provoquer à la comparaison. Sans parler de Jérémie, qui parait avoir été l’âme de toute cette fraude, nous y voyons figurer en première ligne le chef des prêtres Helqiab, le sofer Safan, fils d’Asaliah, fils de Mesullam ; deux grands personnages, Ahiqam, fils d’un autre Safan, et Akbor, fils de Mikaïah ; un officier royal nommé Asaïah, enfin la prophétesse Hulda, femme du maître de la garde-robe Sallum, fils de Tiqva[2].

Un jour donc, en la dix-huitième année du règne de Josias, le sofer Safan, fils d’Asaliah, vint au temple surveiller la comptabilité des travaux qui s’exécutaient, et s’entendre à ce sujet avec Helqiah. Quand les affaires furent réglées, le prêtre lui fit une confidence des plus singulières :

« J’ai trouvé dans le temple le livre de la Loi. »

Helqiah donna en même temps le livre à Safan, qui le lut. Safan,

  1. Deut., I, 6 ; IV, 10, 15 ; V, 2, et surtout XXVIII, 69. Le Deutéronome suppose connues toute l’histoire de Moïse et même l’histoire patriarcale, telle qu’elle est donnée dans les livres plus anciens.
  2. II Rois, ch. XXII.