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de chose près la quantité d’eau qui tombe à Paris dans l’année. Dans les bassins du Sacramento et du San-Joaquin se produisent parfois des inondations, mais elles sont peu fréquentes. En vingt-quatre années, on n’en a compté que quatre importantes.

De ces conditions atmosphériques résulte un climat très sain, remarquable surtout par l’absence d’humidité dans l’air. Cette siccité est telle que de la viande crue laissée au dehors se sèche sans entrer en décomposition et que les cadavres d’animaux se momifient sans exhaler de miasmes. Un outil d’acier laissé des semaines entières à l’air ne se rouille pas. A San-Francisco, la mortalité est en moyenne de 21 pour 1,000 ; elle est de 39 à Naples, 38 à Berlin, 30 à Rome et 24 à Londres. Les décès occasionnés par les maladies de poitrine y sont inférieurs de moitié à ceux des États-Unis ; mais les maladies du cœur, névralgies et ophtalmies sont plus fréquentes. Les fièvres sont rares et les épidémies presque inconnues.

La Californie offrait donc à l’agriculture, avec un climat d’une grande salubrité, un sol fertile, merveilleusement adapté à tous les genres de culture et surtout un débouché assuré et rémunérateur au-delà de toute attente. Dès le début, les petits maraîchers s’enrichirent. Les légumes les plus communs poussaient avec rapidité et se vendaient à des prix très élevés. Les basses-cours donnaient des résultats prodigieux, alors qu’une poule se vendait 25 francs et un lapin 50 francs. Évidemment, de pareils prix ne pouvaient se maintenir, mais longtemps encore ils restèrent à un niveau très élevé. La culture des céréales n’était pas moins rémunératrice. Bien avant la découverte des mines d’or, en 1833, il résulte des recherches faites dans les archives de la mission de San-José que la récolte de cette année donna 8,600 boisseaux de blé pour 80 de semence et que l’année suivante on récolta encore 5,200 boisseaux du même sol sans nouvel ensemencement[1]. Une seule semence avait donc rendu 107 la première année, 65 la seconde, soit au total 172 pour 1. Aux États-Unis on estime 10 pour 1 une bonne récolte. En Californie, on a obtenu jusqu’à 160 boisseaux à l’hectare, alors que dans les régions les plus riches de la vallée du Mississipi le rendement maximum a été de 90. Si, de ces chiffres exceptionnels, nous en revenons aux cultures moyennes et aux rendemens ordinaires et cherchons à nous rendre compte des bénéfices que donne la culture de céréales en Californie, examinons le coût et le revenu par hectare dans le comté de Stanislas, sur un sol et dans des conditions normales. Pour le labourage, par hectare 12 fr. 50, la semence 5 francs, ensemencement et hersage 7 fr. 50,

  1. Colton, three Years in Califomia.