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convoitises et à faire naître les fraudes. Peu après la découverte du Comstock, on n’entendait parler que de filons merveilleux, de placers de grande richesse. Dans certains de ces derniers, on semait sur le sol de la poudre d’or, et l’acheteur, séduit par les premiers lavages, acquérait à un prix exorbitant un placer artificiellement enrichi. Dans les mines de quartz, des mineurs chargeaient leurs fusils avec des pépites d’or et tiraient contre les parois, dans lesquelles l’or s’incrustait. L’acquéreur admis à visiter ces mines y relevait, en maints endroits, ces affleuremens factices, qui le décidaient à s’en rendre propriétaire. Mais la fraude la plus colossale est celle qui, en 1877, provoqua à San-Francisco un excitement d’un nouveau genre, et sur laquelle M. Edmond Leuba, dans son intéressant volume sur la Californie et les états du Pacifique, donne des détails précis[1]. Un jour, le bruit se répandit que des mineurs venaient de découvrir, dans le territoire de l’Arizona, des gisemens fabuleux de pierres précieuses. L’on n’ignorait pas que, du temps de Pizarre, les Aztèques recueillaient dans ces régions des pierres fines dont Montézuma possédait de grandes quantités. Ces mineurs racontaient qu’ils s’étaient aventurés, non sans dangers, dans ce district occupé par les Indiens Apaches, qu’ils avaient retrouvé ces anciens gisemens et les avaient superficiellement fouillés, le temps, les outils et les vivres leur manquant pour commencer une exploitation en règle.

A l’appui de leurs dires ils produisaient des sacs en peau de chamois remplis de diamans, de rubis bruts, parmi lesquels à côté de pierres sans grande valeur s’en rencontraient quelques-unes fort belles. Il n’en fallut pas davantage pour éveiller toutes les convoitises. Plusieurs banquiers et capitalistes de San-Francisco mis en goût par les énormes bénéfices réalisés sur les mines de Comstock entrèrent en relations avec ces mineurs et leur offrirent de traiter avec eux. A quoi ceux-ci répondirent qu’ils ignoraient la véritable valeur de leurs gisemens. Ils consentaient bien à les vendre, mais ils entendaient vendre après qu’un examen sérieux aurait permis d’établir un prix. Ils invitaient donc les acquéreurs à se rendre avec eux dans l’Arizona et à procéder à une vérification minutieuse. Cette proposition était trop équitable et trop sensée pour n’être pas accueillie avec satisfaction et pour ne pas désarmer tous les soupçons. Sans plus tarder, on enrôla quelques ingénieurs, on leur adjoignit des connaisseurs en pierres fines, et, dans le plus grand mystère, on se mit en route pour l’Arizona. Pour dépister les curieux, les divers membres de l’expédition prirent des routes différentes et se réunirent à un point éloigné. Arrivés sur les gisemens,

  1. 1 vol. in-8o ; Sandoz et Thuillier.