Actéon par ses chiens, sans compter Europe enlevée par le taureau. Dans toutes ces scènes, où la mythologie n’est qu’un prétexte aux développemens les plus variés de la beauté féminine, le vieil artiste déploie une verve d’invention et une science d’exécution qui semblaient sans doute à la piété du roi de suffisantes excuses.
La plupart des lettres, souvent fort longues, adressées par Titien à Philippe II depuis 1545 jusqu’en 1576, pendant trente et un ans, contiennent, avec des annonces d’œuvres faites et des projets d’œuvres nouvelles, des lamentations et des récriminations au sujet de ces malheureuses pensions (non pas pensions, mais passions, dit-il dans l’une d’elles) qu’il parvenait rarement à extorquer des griffes des trésoriers royaux, aussi bien à Milan qu’à Naples. Le recouvrement de l’une d’elles faillit, nous l’avons dit, coûter la vie à Orazio, chargé, à Milan, du soin de ses intérêts. C’est par une supplique lamentable du malheureux père que nous connaissons les détails de l’affaire. Orazio, en arrivant à Milan, avait été accueilli à bras ouverts par le sculpteur Leone Leoni. Sur ses instances, il avait accepté l’hospitalité dans son magnifique palais. Ce Leone Leoni, du même pays que l’Arétin, quelque peu son parent, sculpteur de l’empereur, devait, en partie, sa fortune à Titien, qui avait protégé ses débuts. C’était, d’ailleurs, un personnage de la pire espèce, condamné aux fers à Ferrare pour délit de fausse monnaie, condamné à mort à Rome pour toute sorte de crimes, mais qui, s’étant réfugié à Milan, y menait grand train depuis quelques années. Au bout de quelques semaines, soit qu’il se méfiât des sentimens de son hôte, soit qu’il voulût simplement reprendre sa liberté pour exécuter quelques portraits, Orazio prévint Leoni qu’il allait le quitter et descendre à l’Albergo del Falcone. Ce jour-là même, Oragio avait touché les sommes dues à son père. Leone insista, plus courtois et plus riant que jamais, pour que son cher ami ne quittât point sa maison. Mais Orazio tint bon, et, sur le soir, vint au Palais Leoni, avec un domestique, pour y prendre ses effets. Au moment où il faisait, sous la porte, ses adieux à son hôte entouré de ses gens, l’un de ceux-ci lui jeta brusquement un manteau sur la tête et tous l’entourèrent en le criblant de coups de poignards. « Le pauvre Orazio, frappé d’abord à la tête, tomba à terre tout étourdi et reçut, avant de se reconnaître, sept autres blessures. Il serait resté mort sur place si son valet, qui était déjà sorti de la maison, emportant quelques tableaux, ne se fût retourné et n’eût mis la main à l’épée en criant sus aux traîtres, qui le blessèrent misérablement à son tour en trois endroits. En sorte que s’il n’avait pas eu ce peu de défense dont le bruit fut entendu des voisins et qui permit d’arracher à l’assassin son butin, celui-ci les aurait dépouillés et tués en