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de Victor-Emmanuel et à l’énergie de son cabinet[1]. Le Moniteur annonça que le départ d’une 3e division était contremandé et que la division du général Dumont et celle du général Bataille allaient graduellement se replier sur Civita-Vecchia pour être réembarquées. M. Nigra, qui avait eu avec M. de Moustier, dans ces douloureuses épreuves, de pénibles explications, reprenait aux Tuileries, soutenu par le Palais-Royal, son influence, un instant sérieusement ébranlée. Il avait pâti des fautes de M. Rattazzi, il avait dû, pour satisfaire à ses instructions, se rendre l’interprète d’une politique équivoque que M. de Moustier devait caractériser au sénat en disant : « On ne nous conviait pas seulement au rôle de dupe, on nous conviait à celui de traître; nous avons repoussé avec indignation cette complicité offerte avec une sorte de bonhomie qui en doublait l’affront[2]. »

Le baron de Malaret avait repris possession de son poste, dans les premiers jours de novembre, après un long congé imposé d’office. L’empereur l’avait rappelé et retenu à Paris, pour complaire au roi, qui se plaignait de ses ingérences, et à M. Rattazzi, qui s’irritait de ses hauteurs. Il s’était flatté qu’en retour de cet acte de condescendance le cabinet de Florence romprait avec ses attaches révolutionnaires et respecterait la convention du 15 septembre. Il se méprenait sur le caractère de M. Rattazzi; en le débarrassant d’un surveillant énergique, vigilant, il le livrait, au contraire, aux adversaires de notre politique.

M. de Malaret, dont on avait sollicité le départ, n’en fut pas moins accueilli, à son retour à Florence, comme un ami impatiemment attendu. Le roi le reçut à bras ouverts; sa cordialité était démonstrative, mais elle n’était pas toujours le reflet fidèle de ses sentimens. Victor-Emmanuel, au sortir de cette crise, avait beaucoup à se faire pardonner. Sa diplomatie, au mépris des services rendus, n’avait pas craint d’invoquer contre nous l’assistance de la Prusse, et son gouvernement avait perfidement méconnu ses plus solennels engagemens. Jamais M. Rattazzi ne se serait compromis à ce point avec la révolution si le roi, dont il était le ministre favori, ne l’avait pas soutenu, encouragé. Leur entente, pour ne pas dire leur complicité,

  1. Note du Moniteur du 12 novembre. — «Le gouvernement de l’empereur apprend avec une vive satisfaction la résolution spontanée par laquelle les troupes royales ont rappelées sur le territoire italien. Il a chargé par dépêche spéciale notre chargé d’affaires de témoigner au gouvernement italien combien il appréciait les sentimens de conciliation et la fermeté de ceux qui ont dicté cette détermination. Les efforts patriotiques du gouvernement italien, pour rétablir partout dans la péninsule l’ordre et le respect des traités, inspirent la plus grande confiance et lui donnent la certitude que les bonnes relations entre la France et l’Italie continueront à s’affermir et à se développer. »
  2. M. Rattazzi avait fait proposer à M. de Moustier par M. Nigra d’occuper, de compte à demi, les états du pape.