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de toutes les races, que convergent les regards des ordres religieux de toutes les nationalités. Nos agens sont leurs intermédiaires vis-à-vis de l’autorité ottomane et au besoin leurs défenseurs contre l’avidité des pachas ou le fanatisme du peuple. En retour de cette protection, les chrétiens répandent partout le nom de la France. C’est à l’ombre de notre drapeau que les malades reçoivent asile dans d’innombrables établissemens de bienfaisance, que les enfans viennent dans des écoles où ils apprennent notre langue en même temps qu’on leur inculque les élémens de notre civilisation. Malades et enfans sont reçus à bras ouverts ; on ne leur demande ni d’où ils viennent, ni ce qu’ils pensent. On se contente de les soigner ou de les instruire, comptant sur leur reconnaissance pour vaincre leurs préjugés de croyance ou de race, pour leur faire aimer la France et l’église. Les résultats sont frappans. Il suffit de voyager quelques jours en Levant pour constater avec fierté que la langue française y est presque partout comprise et parlée, à Constantinople, en Anatolie, en Syrie surtout et en Égypte, où, malgré l’occupation anglaise, elle est l’idiome officiel du gouvernement. — Il n’est, je crois, aucun homme politique sérieux qui ne reconnaisse ce que nous devons, dans l’Orient méditerranéen, à la politique traditionnelle du protectorat religieux.

Je reviens à la Chine. Il est évident que la situation est différente à bien des égards. En 1844, lors de la conclusion du premier traité Franco-chinois, les anciennes missions étaient dispersées ou amoindries, l’avenir de la propagande chrétienne, dans l’empire du milieu, était bien obscur. Néanmoins, le représentant de la France reçut l’ordre de prendre en main la cause catholique : il reçut cet ordre de M. Guizot, un protestant, qui, se dégageant de toute préoccupation étroite, avait estimé que la France manquerait à son devoir si elle laissait à d’autres le soin de défendre les missionnaires. M. Guizot connaissait l’histoire : il savait l’influence que les jésuites avaient acquise à la cour de l’empereur Kang-hi ; il voulait que, si pareil fait venait à se reproduire un jour, la France fût en mesure d’en profiter.

Que cherchent les puissances de l’Europe en nouant des relations avec la Chine ? Elles cherchent à faire entrer cet empire, si fermé jusqu’ici, dans le grand courant de la civilisation moderne, dont le caractère dominant est la facilité des échanges. Autrefois l’homme vivait des produits de son champ, de sa province ou tout au plus du pays où le hasard l’avait fait naître. Aujourd’hui, nous entrons dans une période où les produits du monde entier concourent à la vie de chacun. Sera-ce un bien ? Sera-ce un mal ? Nul n’oserait le dire. Toujours est-il que cette tendance, résultat du progrès