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aisés, petits propriétaires ou rentiers retirés des affaires. Ce ne sont ni des arrondissemens où domine l’élément populaire ni des arrondissemens riches, la proportion des indigens étant de 6 sur 100 habitans pour le XIIe, de 4 pour le XVIe, et la moyenne générale à Paris étant de 5. Les deux arrondissemens qui comptent, au contraire, le plus grand nombre de naissances illégitimes sont le IXe (Opéra) et le VIe (Monnaie) avec 33 naissances illégitimes sur 100. Immédiatement après viennent le Ve avec 31 et le IIe avec 30 naissances illégitimes sur 100. Or, de ces quatre arrondissemens, trois, le IXe, le IIe et le VIe, comptent parmi les moins chargés d’indigens; quant au Ve arrondissement, il est exactement dans la moyenne. En faut-il conclure, ainsi que certains démographes se sont hâtés de le faire, qu’à Paris, les quartiers riches sont le siège de la corruption et les quartiers pauvres celui de la vertu? Ce serait une conclusion un peu précipitée. D’un côté, en effet, il y a certains arrondissemens très pauvres, comme le XIVe (Montrouge), le XVIIIe (La Villette), qui comptent une proportion assez élevée de naissances illégitimes, 29 sur 100 dans le premier des arrondissemens, 27 dans le second, et, d’un autre côté, les deux arrondissemens les plus riches de Paris, le VIIIe (Champs-Elysées) et le VIIe (faubourg Saint-Germain), ne comptent qu’une assez faible proportion de naissances illégitimes (24 sur 100). Toute corrélation qu’on s’efforcerait d’établir entre le degré d’aisance ou de pauvreté de la population d’un arrondissement et la moralité ou l’immoralité de ses mœurs serait donc sans aucun fondement sérieux. Tout au plus pourrait-on se hasarder à dire que, si une certaine classe à Paris est particulièrement relâchée dans ses mœurs, ce n’est ni la classe riche ni la classe pauvre : c’est cette catégorie intermédiaire, qui s’élève un peu au-dessus de la condition populaire par son gain annuel sans atteindre cependant à l’aisance : employés des deux sexes, commis de toute espèce, ouvriers d’élite, etc. C’est cette catégorie qui peuple de préférence les arrondissemens du centre de Paris, tels que celui de l’Opéra, de la Monnaie, du Palais-Royal, où l’on compte un si grand nombre d’enfans naturels. J’ai la conviction que la femme du peuple vaut presque toujours mieux que la demoiselle de magasin et l’ouvrier mieux que le commis. Mais la preuve en est assez difficile à fournir, et si les chiffres que je viens de relever semblent venir à l’appui de cette observation, je reconnais qu’il ne faudrait pas en exagérer la portée.

Cherchons maintenant, autant que cela est possible en si délicate matière, l’explication de cette surabondance d’enfans naturels à Paris. Je laisserai de côté les causes qui sont de tout temps et de tout pays : l’ardeur des passions, la grossièreté de l’homme, la faiblesse