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monde sait que. si elles donnent quelque essor à nos exportations, elles nous coûtent beaucoup d’argent ; il faut des calculs compliqués pour estimer très approximativement ce qu’elles nous rapportent, tandis qu’il suffît d’examiner le budget de nos dépenses pour voir ce que nous payons pour elles. Nous ne les exploitons plus ; ce mot « exploitation » nous a fait horreur, on l’a jugé indigne de figurer dans notre langue ; obéissant à une inspiration trop libérale et à notre amour pour la symétrie, nous avons décidé, en dépit de la distance, des différences de mœurs et de races, qu’elles devaient faire partie de notre territoire; elles envoient leurs députés, leurs sénateurs au parlement de Paris ; bien loin de les exploiter, nous les civilisons, nous essayons de nous les assimiler. En Algérie, nous avons naturalisé les israélites, qui occupaient à tort ou à raison le dernier degré de l’échelle sociale, nous en avons fait du jour au lendemain des électeurs, nous avons livré le pays à une population qui, de l’aveu de tous, était sinon indigne, du moins tout à fait incapable de l’administrer; de même l’émancipation des nègres, combinée avec le suffrage universel, a abandonné les Antilles à une majorité hostile aux blancs, par conséquent à nous-mêmes, paresseuse et rétrograde, qui menace de ramener ces belles régions à l’état de barbarie dont nous les avions tirées : et encore, la suppression de l’esclavage en Algérie, tout en aggravant incontestablement lu condition des noirs, vendus quand même, mais à vil prix et à des acquéreurs barbares, nous a fermé l’intérieur du continent africain, enlevé par suite un commerce immense, le plus grand des avantages que nous assurait l’occupation du littoral. Bienfaiteurs plus que négocians, dans nos expéditions lointaines, les services à rendre à l’humanité nous tentent plus que les profits ; loin de recevoir, nous subventionnons : l’ordre des choses est renversé.

Cependant des Français, non-seulement les contribuables, mais le petit nombre de nos compatriotes qui s’expatrient pour tenter la fortune, sont les premières victimes de cette générosité. Nos émigrans se trouvent en concurrence avec une population qui n’a de français que le nom et qui use le plus souvent contre eux de son expérience et des droits politiques que nous lui avons conférés ; ils ont donc bien des chances de ne pas réussir et reviennent en France justement désappointés. Tant de désenchantemens ne sont pas faits pour enthousiasmer l’opinion. En outre, le nouveau monde et la Russie font une concurrence écrasante aux productions des colonies comme à celles de l’Europe; les Hollandais eux-mêmes ne vendent plus qu’à bas prix ces sucres et ces cafés dont ils tiraient jusqu’à ces derniers temps de si gros bénéfices; beaucoup d’entre eux qui se reposaient an pays natal sont obligés de retourner aux Indes et demandent au gouvernement des secours : depuis près de quinze