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par une meilleure organisation de la police judiciaire, qui laisserait échapper moins d’infractions. Mais cette double explication est tout à fait insuffisante en présence d’une augmentation aussi considérable. Ajoutons que cette augmentation n’a pas été ininterrompue, car, pendant la période de 1856 à 1866, le nombre des délits de droit commun avait décru progressivement d’environ 6,000, et cependant les deux causes d’accroissement que je viens d’indiquer n’avaient pas cessé d’exercer leur action. Il serait donc tout à fait puéril de s’arrêter à ces explications secondaires, et il faut avoir le courage de reconnaître, avec l’auteur du rapport de 1880, que nous nous trouvons en présence « d’un débordement de démoralisation. » Ce fait indéniable, qui doit donner à penser aux optimistes, est en contradiction formelle avec bien des illusions. Nous serons mieux en mesure de rechercher les causes de cette augmentation de la criminalité, lorsque nous aurons vu comment le nombre des poursuites se répartit entre les différentes catégories d’infractions.

La statistique judiciaire divise les délits en cinq catégories différentes, suivant que ces délits constituent des offenses à l’ordre public, aux personnes, aux propriétés, aux mœurs, ou qu’ils sont punis par des lois spéciales. Laissons de côté les délits de cette nature, dont l’énumération serait longue, après avoir toutefois fait remarquer que si le nombre de ces lois a augmenté sensiblement depuis le commencement de la statistique judiciaire, il n’en est pas de même, au moins proportionnellement, des poursuites auxquelles elles donnent lieu. Sur 1,000 prévenus, il y en a eu 211 poursuivis, en vertu des lois spéciales, de 1826 à 1870. Il y en a eu 227 de 1876 à 1880, Cette légère augmentation est explicable par l’entrée en vigueur de la loi répressive de l’ivresse ; mais ce dernier chiffre présente cependant une diminution par rapport à celui de quelques périodes antérieures, et cette simple constatation suffit à faire tomber l’explication de ceux qui attribuent l’augmentation de la criminalité à la création plus ou moins artificielle d’un certain nombre d’infractions nouvelles. C’est donc à l’augmentation des délits de droit commun qu’il faut se résoudre à demander l’explication de ce phénomène attristant. Mais cette augmentation est loin de se répartir également entre les différentes catégories de délits que j’ai indiquées. Dans la catégorie des délits contre les personnes, il y a même diminution assez sensible : 295 prévenus sur 1,000 de 1826 à 1830 ; 164 seulement de 1876 à 1880. En revanche, il y a augmentation des délits contre les propriétés : 304 prévenus sur 1,000 de 1826 à 1830; 335 de 1876 à 1880 ; et augmentation plus sensible encore des délits contre la chose publique : 178 sur 1,000 pendant la première période de la statistique judiciaire; 251 pendant la dernière. Mais l’augmentation la plus sensible porte sur les délits