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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/413

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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

tour à des intrigues de cour, on pourrait déjà se croire en pleine anarchie républicaine, en 1793, tant c’est la même chose, avec la guillotine en moins pourtant.

« Le maréchal d’Estrées commence la guerre en 1757; au milieu de la campagne, une intrigue lui fait substituer le maréchal de Richelieu, à qui succède, au commencement de 1758, le comte de Clermont, prince du sang. Le prince de Soubise, battu à Rosbach en 1757, désire prendre sa revanche et obtient encore, l’année suivante, le commandement d’une armée avec laquelle ses lieutenans gagnent en sa présence la petite bataille de Lutternberg. On le fait maréchal de France et il retourne à la cour. Le comte de Clermont, ou plutôt son mentor, le comte de Mortaigne, s’était fait battre honteusement à Crevelt en juin 1758. La cour lui donne pour successeur le marquis de Contades, qu’on élève bientôt au grade de maréchal de France. Il est battu à Minden en août 1759 ; on envoie le maréchal d’Estrées pour l’aider de ses conseils, et leurs efforts réunis ne pouvant rétablir les affaires, ils regagnent Versailles à la fin de la campagne. Le duc de Broglie, qui s’était distingué depuis le commencement de la guerre et qui avait même battu les ennemis à Sondershausen en 1758 et à Bergen en 1759, remplace le maréchal de Contades et reçoit le bâton. Il commence avec succès la campagne de 1760, mais la fortune ne le seconde pas constamment. En 1761, la cour forme deux armées, donne le commandement de la première au maréchal de Soubise et celui de la seconde au maréchal de Broglie. Ces deux généraux essuient des échecs et emploient le reste de la campagne à former mille projets sans pouvoir en exécuter aucun. A la fin de l’année, le maréchal de Broglie, moins puissant à la cour que le prince de Soubise, est congédié et même exilé, ainsi que son frère. En 1762, le maréchal de Soubise reparaît sur la scène avec d’Estrées, qui lui sert de gouverneur. Ces deux têtes dans un même bonnet n’en valent pas une bonne ; la campagne est aussi nulle que les précédentes...» (Bourcet, Discours préliminaire.)

Encore si, dans cette inconstance du commandement, ces généraux, la plupart médiocres, s’étaient senti les coudes et soutenus les uns les autres ! Si seulement ils avaient pu compter sur leurs propres lieutenans! Mais non! contrariés dans leurs plans ou gênés dans leurs mouvemens par la mauvaise volonté de leurs collègues, ils n’ont pas seulement à faire face à l’ennemi par devant : leur plus dangereux adversaire est souvent sur leurs derrières, qui les travaille et qui les épie, ou, dans leur propre camp, prêt à les trahir. Rien d’attristant comme ces compétitions de personnes et comme ce prolongement des petites intrigues et des misères de Versailles ou de Marly