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et de compléter l’œuvre ébauchée de 1765. Le 3 novembre 1776, en effet, sous le ministère de Saint-Germain, paraissait une première ordonnance constituant l’artillerie française en régimens au nombre de 7, de 20 compagnies chacun, et qui en portait la force à 12,000 hommes. Deux ans après, la nouvelle organisation des troupes provinciales lui apportait un renfort de 10,000 hommes et de 7 régimens. C’était, en quelques années, un accroissement d’effectif de près des trois quarts. Et l’on ne s’en tint pas là : les idées de Gribeauval avaient fait un si rapide chemin qu’en 1784 la marine voulut avoir, elle aussi, son artillerie de campagne et qu’un nouveau corps destiné au service des colonies fut créé. Cette dernière création équivalait à la formation d’un nouveau régiment d’artillerie de terre, et devait, en cas de guerre continentale, rendre à celle-ci la libre disposition de toutes ses forces aux frontières.

Il ne restait plus après cela qu’à compléter sur certains points l’organisation de Vallière. De louables efforts avaient été faits, on l’a vu, par ce dernier pour doter Royal-Artillerie d’un corps d’officiers d’élite. Il avait institué des examens et fondé des écoles qui avaient déjà donné d’excellens résultats. Mais il n’avait pas osé pousser plus loin, toucher aux règles d’avancement qui laissaient encore une si large part à l’ancienneté dans une arme où la nécessité du choix s’imposait. Gribeauval, lui, n’hésite pas. A l’avenir, tous les grades supérieurs dans l’artillerie, depuis celui de premier inspecteur-général jusqu’à celui de chef de brigade[1], seront donnés au mérite et au talent, sans aucune considération d’ancienneté. Sur cinq emplois de chefs de brigade, trois sont réservés au choix et deux seulement à l’ancienneté. Même proportion pour les emplois de capitaines en premier : ils seront attribués par le colonel, le lieutenant-colonel, les chefs de brigade et le major du régiment assemblés aux sujets les plus dignes parmi les lieutenans en premier ou en second. Quant aux lieutenans en troisième, c’est parmi les sergens-majors qu’ils devront être pris désormais. Encore une brèche faite au corps de place et par où va passer la roture, au grand désespoir des partisans de l’ancienne organisation de l’armée !

Telle est, dans ses traits généraux, l’œuvre de reconstitution entreprise et conduite à bonne fin par Gribeauval, Sans doute, dans cette improvisation hâtive, traversée par tant d’obstacles et de résistances, tout n’est pas également heureux, et la critique y découvre aisément plus d’une lacune. Comment, par exemple, un

  1. Une brigade d’artillerie se composait de la réunion de 4 compagnies. Il y en avait 5 par régiment.