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publique, Charles Jenkinson, créé comte de Liverpool en 1796, consacra les loisirs forcés de sa vieillesse à recueillir ses observations. Il les résuma dans un livre de lecture difficile, qui paraît ne viser que le monnayage anglais, mais dont ressort pour la première fois la théorie rationnelle de l’étalon unique. Son fils, lord Liverpool, devenu premier ministre, s’imprégna du système et le fit adopter par le parlement en 1816. Depuis cette époque, l’Angleterre a pratiqué, d’une façon normale et à son grand avantage, le principe de l’unité monétaire, en choisissant l’or pour étalon. En 1873, le régime anglais, avec toutes les réglementations qu’il comporte, est devenu la loi de l’empire allemand, et l’exemple a été aussitôt suivi par les pays Scandinaves. Ce principe monétaire est celui qui a été conseillé à l’unanimité par la grande commission internationale de 1869. C’est le procédé qui se répandra successivement, malgré toutes les résistances et par la force invincible de l’expérience, à mesure que l’évidence des faits commerciaux et l’état de la circulation métallique le rendront praticable.

La France est-elle en situation aujourd’hui d’opérer chez elle cette évolution? Peut-elle, doit-elle l’entreprendre sans plus différer? Risquerait-on d’infliger une perte trop sensible au public détenteur de l’argent, aux commerçans, à la Banque, à l’état? Sommes-nous enchaînés irrévocablement par des contrats diplomatiques ou des obstacles extérieurs ? Tels sont les points qu’il s’agit de mettre en lumière, non plus par des considérations théoriques, mais avec la précision indispensable dans la pratique.

Tout le monde sait en quoi consiste la réforme dont le vieux Liverpool a été l’inspirateur ; ce n’est pas une démonétisation de l’argent, c’est une limitation de son pouvoir monétaire. Étant admis par la simple lumière du bon sens, et confirmé par l’expérience commerciale, que, pour évaluer tous les échanges, pour légaliser tous les contrats, le procédé le plus sûr est de choisir un objet, une marchandise immuable par essence et d’équilibrer les transactions de tout genre par comparaison à la valeur idéale attribuée à cet étalon, à ce standard, on a reconnu que la marchandise typique répondant le mieux aux conditions désirables est l’or. Dans les relations internationales, il n’y a pas de francs, de marcs, de souverains, de dollars ; on ne connaît qu’un poids déterminé d’or à l’état pur, équivalent en sa qualité de marchandise, mesure en raison de l’importance attribuée aux marchandises contre lesquelles il s’échange. Tout individu détenteur d’or, soit bijoux, soit lingots, a le droit de le faire convertir en monnaie de son pays ; l’or ainsi monnayé possède une force libératoire illimitée, c’est-à-dire qu’on peut l’employer pour faire des achats ou payer des dettes en