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dresse, pour chaque saison, un cahier des charges qu’il envoie aux maisons de vente jugées dignes de sa confiance ; sur leurs soumissions reçues cachetées et ouvertes en réunion du comité, il adjuge aux moins offrantes, passe avec elles des contrats rigoureusement stipulés. Les marchandises, étiquetées chacune selon sa nature et son dosage, sont expédiées dans les magasins, où le président, assisté de deux délégués, reçoit les échantillons, qu’il soumet à l’analyse du laboratoire de la Société des agriculteurs de France ; les traites en paiement sont faites en son nom, à trente jours, et, sur son acceptation, payables chez le banquier du syndicat. Les adhérens reçoivent les formules des produits chimiques mis en adjudication, le tableau des engrais propres à chaque culture, avec la dose à l’hectare suivant la nature du terrain, une note détaillée sur leur valeur, le temps et le mode d’emploi. Le succès a couronné l’effort énergique de M. de Fontgalland : le nombre des membres s’élève aujourd’hui à 625 ; on a livré 348,000 kilogrammes de marchandises en six mois, obtenu un rabais de 30 pour 100 ; au lieu de les payer 56,625 fr. 45, les souscripteurs n’ont versé au trésorier que 13,575 fr. 45 ; bénéfice net, 13,050 francs conservés dans le pays. Le gain est plus que doublé, si on ajoute la valeur des récoltes.

Quelques-uns de ces syndicats se rattachent à l’œuvre des cercles catholiques ; en tête de leurs statuts, sur leurs bannières, ils inscrivent l’idée chrétienne, le sentiment religieux, qui jadis tempéraient l’orgueil et la dureté des vieilles corporations, et qui, étant alors le tout de l’homme, faisaient vraiment le fonds des institutions comme celui des personnes. Leurs fondateurs, ceux qu’on nomme un peu dédaigneusement les socialistes mystiques, auxquels on reproche d’être un parti de contemplation historique, prennent cette double devise : religion et liberté. Libres à l’entrée, libres à la sortie sont les nouvelles unions de métiers, mais leurs membres auront un idéal, un lien autre que la philanthropie ou l’espoir du gain, le lien si intense d’une même foi. Rien de plus intéressant assurément qu’une pareille entreprise conduite par des hommes tels que MM. de Mun, Ancel, Latour du Pin, G. Levasnier, Harmel ; mais elle ne peut avoir qu’une sphère d’action limitée, et il semble plus prudent de ne mettre dans l’agriculture ni la politique ni la religion, qui écarteront la masse des indifférens et des dissidens, et qu’on accusera toujours de tendre à la domination, de chercher à se faire la part du lion.

A peine formés, les syndicats locaux ont voulu profiter de l’article qui leur confère le droit d’avoir une union syndicale ; ils ont compris en effet que plus ils seront forts, plus la baisse s’accentuera, plus ils obtiendront la diminution des primes énormes qu’on paie