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navigateur : un large canal, celui qui sépare l’île de Sandal-wood de l’île Savu, lui donnait accès, le 26 septembre 1805, dans l’Océan-Indien. Le 31 octobre, sans autres incidens, il abordait à l’Ile-de-France; le 5 novembre, il mouillait au Port-Louis.

Decrès et William James, le ministre français et l’historien anglais, se sont trouvés d’accord pour rendre hommage « à la capacité, au dévoûment, à la bravoure du capitaine Motard. » De son côté, le capitaine Motard s’est souvenu du très utile concours que lui prêta, en cette occasion, l’enseigne de vaisseau Roussin. « C’est un officier instruit, s’empresse-t-il de déclarer; bon marin, bon astronome. Il joint à ces qualités essentielles un caractère de fermeté et d’honneur dont je ne ferai jamais assez l’éloge. » Voilà des paroles de bon augure : c’est à la fortune maintenant de faire le reste. Que de germes féconds ont manqué, faute d’une rosée bienfaisante, à éclore!


VI.

On ne revient pas des Philippines à contre-mousson sans avoir quelques réparations à effectuer. En moins de deux mois cependant, la Sémillante, seule ressource qui restât à cette heure à la colonie, se trouva prête à reprendre la mer. Deux frégates anglaises bloquaient le Port-Louis : le Pitt, forte frégate de grandes dimensions, construite en bois de teck, commandée par le capitaine Walter Bathurst, et la Terpsichore, petite frégate armée, comme la Sémillante, de trente-deux pièces de 12. Le commandant de la Terpsichore était le capitaine William Jones Lye. Le 5 janvier 1806, la Terpsichore s’échoue en allant faire de l’eau à l’île Plate. Pour se remettre à flot, il lui faut jeter plusieurs de ses canons à la mer ; le commandant Bathurst, inquiet de l’état de cette carène mâchée par les coraux, se résigne à renvoyer la Terpsichore à Ceylan. Il reste seul devant le Port-Louis. Dur blocus, celui qu’il faut maintenir au vent d’une île, dans la zone surtout de l’alise, car l’alisé souffle généralement en grande brise ! Le Pitt cependant tenait bon : quelques captures, navires de la compagnie en majeure partie repris sur nos corsaires, venaient de temps en temps ranimer le courage d’un équipage considérablement diminué par la maladie. On sait que le gouvernement anglais a toujours mis une fidélité scrupuleuse à respecter les droits de ses marins : il ne se croirait pas autorisé, quelque litige que puisse élever la diplomatie, à faire tort aux capteurs d’une obole ; c’est le meilleur moyen qu’il ait encore trouvé pour réconcilier la nation avec les rigueurs de la presse.

Nos corsaires et nos croiseurs étaient loin de rencontrer la même