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qu’il passa hors de France n’ont été racontées que dans les histoires locales consacrées à Odessa et à la Russie du Sud, comme celles de Skalkovski et de Smolianinof, et dans la récente monographie de M. Pingaud intitulée : : le duc de Richelieu en Russie[1] ; d’autre part, c’est dans les histoires générales de la restauration, celles de Vaulabelle, Viel-Castel, Alfred Nettement, M. Hamel, qu’il faut chercher son rôle comme premier ministre et ministre des affaires étrangères en France. Sa vie a été si singulièrement partagée entre le service de Russie et le service de France qu’elle semble demander à ses historiens des compétences toutes différentes et la connaissance de deux mondes tout à fait dissemblables. Cependant les deux parts qu’il a faites dans son existence s’expliquent l’une par l’autre, la seconde par la première. On ne comprendrait pas l’influence salutaire qu’il a eue sur Alexandre Ier et l’étendue des droits qu’il avait à son concours, si on ne pouvait apprécier L’étendue des services qu’il lui avait rendus comme gouverneur d’Odessa et de la Russie méridionale. C’est parce qu’il avait donné à ce souverain tout un royaume, en peuplant de vastes désert » et en créant ce nouveau monde qui s’appelle la Nouvelle-Russie, qu’il lui a été possible ensuite de sauver les provinces françaises de l’Est et de nous conserver L’Alsace et la Lorraine : Odessa avait payé d’avance la rançon de Strasbourg et de Metz.

Nous allons essayer d’esquisser cette vie de Richelieu dans son ensemble et dans sa logique ; nous la raconterons à l’aide des notes rédigées, peu de temps après sa mort, par la duchesse de Richelieu, le comte de Langeron, le négociant Sicard, à l’aide aussi de quelques fragmens autobiographiques de Richelieu lui-même, mais surtout à L’aide des rapports adressés par lui à son impérial ami, de sa correspondance avec ce prince et avec les hommes d’état russes sous les règnes de Catherine II, Paul Ier et Alexandre ; nous insisterons sur les faits qui ont pu échappera ses biographes précédens et dont nous devons la révélation à M. Polovtsof. Nous montrerons successivement Richelieu dans ses années de jeunesse, puis gouverneur d’Odessa et de la Petite-Russie, puis premier ministre de Louis XVIII, à deux reprises, de 1815 à 1822.


I

Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie du Plessis, né à Bordeaux en 1766, est le cinquième duc de Richelieu : le premier fut le grand cardinal, ministre de Louis XIII ; le second, un petit neveu du cardinal-duc ; le troisième, le célèbre maréchal, le vainqueur de Minorque

  1. Dans son livre intitulé les Français en Russie et les Russes en France.