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Bosquet eut à former les coulouglis du bataillon ; le capitaine Walsin Esterbazy, les mekbalias ou cavaliers du bey.

Les échos d’Alger, où était revenu le gouverneur, retentissaient des merveilleuses nouvelles de Mostaganem ; la correspondance du colonel Tempoure n’y suffisait pas : toutes les tribus avaient les yeux tournés vers le bey ; c’était une attraction générale : après les Medjeher, les Cheurfa, les Bordjia, les Beni-Zerouel, les Flitta ; partout, dans la vallée du Bas-Chélif et de la Mina, dans le Dahra même, on n’attendait que la venue du bey pour se donner à lui. L’enthousiaste colonel suppliait le gouverneur d’arriver au plus vite : « Nous irons, lui écrivait-il, promener notre bey chez toutes les tribus de l’est, et vous réaliserez, j’en suis sûr, ce que je vous disais, il y a quelques jours, qu’il était téméraire de penser ; vous irez de Mostaganem à Mascara, de soumissions en soumissions, en passant chez les Flitta, et vous ferez votre jonction avec le général de La Moricière au milieu de cette plaine d’Eghris, accompagné d’un goum d’Arabes si puissant qu’il ne pourra rester aux fiers Hachem d’autre parti que la soumission. »

Moins enflammée, l’imagination de La Moricière ne laissait pas d’entrevoir et de faire flotter devant les yeux du général Bugeaud des visions de mirage : « Nous pouvons espérer, dans la campagne d’automne, lui écrivait-il le 29 août, sinon détruire complètement la puissance de l’émir, du moins la diminuer assez pour qu’il soit forcé de nous abandonner les deux tiers de la province d’Oran. Pour arriver à ce but qui, s’il était atteint, résoudrait la question d’Afrique, il suffit que vous veniez à Mostaganem avec les deux bataillons de zouaves et un bataillon quelconque. Vous en sortiriez avec 3,500 hommes d’infanterie, la cavalerie, quatre ou six pièces de montagne et des vivres pour douze ou quinze jours. Vous prendriez avec vous le bey, ses drapeaux et ses troupes, et vous le présenteriez aux tribus, faisant ainsi une course sans avoir de point fixe de direction et sans autre but que d’agir sur les populations. Nul doute que les tribus ne viennent se rallier au nouveau bey que vous leur avez donné ; mais il ne faut pas laisser échapper l’occasion. Ce qui est facile aujourd’hui coûtera peut-être plus tard des millions et beaucoup de sang. »

Le bon sens du gouverneur était un peu défiant ; cependant il se laissa prendre à ces belles promesses. Il arriva, le 19 septembre, à Mostaganem avec un bataillon de zouaves ; le 23e de ligne l’y avait précédé. Il trouva la division d’Oran toute prête à marcher ; il en fit deux parts. Onze bataillons, un escadron de chasseurs d’Afrique, une batterie de montagne, les Douair et les Smela constituèrent la colonne dite de ravitaillement avec laquelle La Moricière devait conduire un premier convoi à Mascara ; sept bataillons, cinq escadrons