privilégiés! et cela juste un siècle après la révolution française, au moment où l’on s’apprête à fêter le centenaire de 1789 et la mémoire de cette grande assemblée constituante qui fonda l’égalité civile sur les débris des anciens privilèges.
On entend, il est vrai, définir législativement les industries qui présentent un risque professionnel, et voici la formule, apparemment « scientifique, » selon laquelle le conseil d’état en dressera la nomenclature : l’ouvrier est-il exposé, soit à raison des moteurs, soit à raison des matières employées ou fabriquées? Nous sortons du « délictuel » pour entrer dans le « contractuel, » ce qui signifie, dans la langue de M. Sainetelette et de son école, que le patron est présumé responsable. Alors ni le maçon, ni le charpentier, ni le charretier, ni le batelier, ni le chaufournier, ni le couvreur, ne pourront invoquer cette protection exceptionnelle : où le moteur manque, le vieux code reprend ses droits. Peut-être, en revanche, les « employés » des épiciers et des apothicaires, appelés à manipuler des « matières premières, » pourront-ils échapper au code civil. Mais les ouvriers de l’agriculture n’auront pas cette bonne fortune. « Si le bouvier est éventré par une bête à cornes, remarque M. de Courcy, ce n’est pas un risque professionnel. » En effet, la bête à cornes n’est pas un moteur. V nomen dulce libertatis ! ô jus eximium nostrœ civitatis! Huccine tandem omnia reciderunt !..
De quelque façon que les juristes décomposent le louage de services, ils n’y trouvent pas, même en germe, un contrat d’assurance. Ainsi que nous l’avons établi plus haut, ni le patron de profession ni le patron d’occasion ne sont des assureurs. Mais il ne s’ensuit pas qu’on doive renoncer à combiner l’un et l’autre pacte. En un mot, et pour parler net, o l’employé » peut être « assuré.» Telle est même aujourd’hui la principale ressource de l’ouvrier ; tel est, par excellence, le bouclier qu’il peut opposer aux coups de la fortune. Il n’est pas toujours commode de faire, au lendemain de l’accident, un procès au patron : d’abord le procès peut être perdu, même sous le nouveau régime législatif qu’on prétend substituer au code civil; ensuite un procès coûte cher, du moins à ceux qui n’obtiennent pas l’assistance judiciaire; enfin un procès peut traîner en longueur, surtout devant les tribunaux surchargés comme ceux de la Seine, et si l’on songe que la voie d’un appel suspensif est, sauf pour les litiges dont l’intérêt ne dépasse pas 1,500 francs, ouverte au plaideur. Ce n’est pas qu’on ne plaide!