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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/410

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que leurs mauvais propos sont arrivés dans un temps où l’opinion m’est très favorable, de sorte qu’ils sont morts en naissant. C’est à nous à ne pas les réveiller par nos imprudences. Je n’ai pas dit un mot. personne de ce que je vous avais écrit et j’espère que vous, de votre côté, vous avez gardé le silence.

« Adieu, j’ai encore bien de la peine à vous dire quelques mots aimables, mais ce n’est pas faute d’envie.

« Savez-vous que j’ai vu votre frère et votre mère ? Celui-ci a trop d’esprit pour moi. »


Le Chateaubriand quinteux, personnel, méfiant, est tout entier dans cette lettre. Sa mauvaise humeur s’adoucit dans un post-scriptum, au souvenir de Chênedollé, alors absent de Paris, à qui il voulait ouvrir la carrière diplomatique. Mme de Custine étant liée avec Fouché, il fallait inspirer à celui-ci de l’intérêt pour un ami si cher. Fouché, au reste, avait été son professeur à Juilly ; quand il s’était agi de le rayer de la liste des émigrés, Mme de Staël, toujours prête à faire une bonne action, l’avait conduit au ministère de la police, Fouché avait reconnu son ancien élève et lui avait tendu les bras.

La lettre brusque et presque dure que nous publions se termine par un appel à l’influence de Mme de Custine sur Fouché :


« Je vous conjure de pousser l’affaire de mon ami. Je ne sais où demeure le ministre, mais il est trop connu pour que ses lettres se soient égarées. Mais prenez garde à présent, il faut que vos lettres soient adressées particulièrement à F… (Fouché) et non pas au ministre, car alors vos lettres seraient simplement ouvertes par les commis de la police, comme une affaire de bureau.

« A Madame de Custine, au château de Fervaques, par Lisieux. »


Pas un mot de plus. Un voyage en Normandie était nécessaire pour effacer l’impression de ces sécheresses. Il écrit en route à Chênedollé, le 15 août 1804, de venir le rejoindre. Il le présentera à la dame de Fervaques[1] :


« Mantes.

« Je m’approche de vous et je sors enfin du silence, mon cher Chênedollé ; je n’ai osé vous écrire de peur de vous compromettre

  1. Les lettres de Chateaubriand à Chênedollé ont été publiées par Sainte-Beuve.