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Des missions japonaises, dirigées par des membres de la famille impériale, des ministres, de hauts fonctionnaires, ont parcouru le monde, poursuivant un but militaire, scientifique et même politique. Remarque étrange qui a été souvent faite, et qui accuse une grande versatilité, on a vu les Japonais s’engouer tour à tour des Français, des Anglais et des Américains ; aujourd’hui, ce sont les Allemands qui tiennent la corde. Quelques familles siamoises ont actuellement des élèves dans nos lycées. L’arrivée de ces Asiatiques ne date que de 1881 ; sa majesté le roi de Siam, cette année-là, envoya un assez grand nombre de jeunes gens en Europe pour y faire, mais à ses frais, leur éducation. L’un d’eux est actuellement à Sainte-Barbe, où il travaille avec ardeur pour entrer à l’Ecole centrale. C’est, me dit-on, un sujet fort distingué.

L’origine de la mission égyptienne en France remonte jusqu’à 1826. Elle eut pour premier directeur M. Jomard, de l’Institut, ancien membre de l’expédition d’Egypte. Le nombre des élèves a été, dans un certain moment, de quatre-vingt-trois. C’est un chiffre que plus d’un lycée de province serait heureux d’avoir. Les carrières qu’ils embrassèrent furent très diverses : on les vit à la marine, au génie civil, à la Faculté de médecine, à l’agriculture, à la diplomatie. Il en sortit des sujets distingués, qui rendirent d’incontestables services à leur pays. Vers 1844, un ministre d’Egypte demanda au gouvernement français l’autorisation de créer, à Paris même, une école spécialement militaire. Quatre princes égyptiens devaient y entrer, ainsi qu’un certain nombre d’élèves choisis avec le plus grand soin. Louis-Philippe ne manqua pas d’accueillir favorablement cette proposition, et l’école s’ouvrit, en septembre 1843, sous le patronage du maréchal Soult, alors ministre de la guerre. Un colonel d’état-major, qui avait commandé à Saint-Cyr, en reçut la direction, qui fut irréprochable.

A la suite des événemens de 1848, l’institution fut licenciée Une grande partie des élèves reprit la route du Caire ; ceux qui n’avaient pas fini leurs études persistèrent dans leur désir de s’instruire à Paris et suivirent des cours chacun selon sa spécialité. Comme une surveillance était nécessaire, on nomma à cet effet une commission composée de MM. Jomard, Barthélémy Saint-Hilaire, Yvon Villarceau, Barbet, chef d’institution, et Lemercier, administrateur-secrétaire. Cette commission, — est-il besoin de le dire ? — a toujours fonctionné gratuitement, et son rôle n’a pas peu contribué à rendre habituel l’usage de la langue française sur les bords du Nil. Les Anglais qui, là comme ailleurs, du reste, battent en brèche notre influence, ont eu l’ennui de s’en apercevoir quelquefois.

Ce qui précède prouve surabondamment, il me semble, que les