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flatteur entre 1830 et 1688. Non, 1688 a été fait en haine de la religion romaine et de l’influence française. Double haine qui se ramène à une seule : car la grande, l’unique objection des Anglais au catholicisme, — on ne saurait trop le répéter et le maintenir contre toutes leurs affirmations, — c’est que cette religion a pour chef un prêtre italien, et qu’elle a, au XVIIe siècle, pour principal champion le roi de France. Jacques ou Guillaume, au fond, qu’importe! On ne renverse pas le premier parce que c’est un incapable et un fou, on ne choisit pas le second parce qu’il est le souverain le plus intelligent et le plus éclairé de son époque : on remplace un prince catholique par un prince protestant, un pensionnaire de Louis XIV par un ennemi de la France. Rien ne ressemble moins à l’enthousiasme que les marchandages qui précèdent l’avènement du prince d’Orange, et que Burnet, tout gascon qu’il est, se voit obligé de nous raconter. Accepté avec répugnance, il est servi avec une mauvaise volonté évidente. Comme le prince Albert, Guillaume reste jusqu’à la fin un intrus, et ces temps-là étant plus rudes que les nôtres, on le lui fait durement sentir.. Ses ennemis siègent dans son conseil, ses défenseurs, rares et clairsemés, ont, comme le pauvre De Foë, pour récompense le pilori. De là l’amère tristesse du couple royal, mise en lumière par la publication récente des lettres de la reine Marie, tristesse qui est compliquée en elle par d’horribles scrupules religieux, par les remords cuisans et mérités d’une fille qui a détrôné son père.

Il n’y a, comme le remarque très bien M. Lecky, que deux politiques extérieures pour l’Angleterre : ou bien une paix qui développe le travail et la richesse, ou bien une guerre qui assure, en cas de succès, des avantages maritimes et coloniaux. Guillaume n’apportait à ses nouveaux sujets ni cette paix ni cette guerre. Engagée dans une grande lutte continentale, l’Angleterre vit son commerce tomber à rien, ses impôts monter, en vingt ans, de 2 millions de livres à 6; sa dette publique passer de 1,600,000 liv. à 52 millions. Elle n’avait fait que changer de sujétion ; au lieu de servir l’ambition française, elle servait les intérêts hollandais[1], et voilà les premiers fruits de cette glorieuse révolution!

Elle avait été faite contre les vœux des cinq sixièmes de la nation; mais combien ne devint-elle pas plus impopulaire, lorsqu’on vit se développer ses coûteux résultats? On l’étaya avec trois mensonges, que l’on choisit énormes et stupides, l’expérience ayant démontré aux hommes d’état que ce sont ceux-là qui servent le mieux en politique. Aux gens d’église et aux dévots, on répétait que le prétendant,

  1. On ruina l’industrie des toiles en Irlande au profit des Hollandais. Voir Molyneux et Swift.