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veille, annonça au général de La Moricière que les Marocains avaient toutes leurs dispositions faites pour l’attaquer, le 18 au matin. Le nouveau kaïd El-Ghennaouï devait longer les montagnes des Beni-bou-Saïd, tourner les Français et couper leurs communications avec la Tafna, pendant que les réguliers agiraient de front « t les Beni-Snassen sur le flanc droit. Il n’y aurait d’autre préliminaire aux actes d’hostilité qu’une sommation d’évacuer immédiatement Lalla-Maghnia, et tout de suite l’attaque. Aussitôt La Moricière se fit rejoindre par Bedeau, qui arriva, le 17 au soir, avec les zouaves, le 8e bataillon de chasseurs à pied et trois escadrons de chasseurs d’Afrique. La Moricière avait dès lors sous la main six bataillons, quatre escadrons et huit obusiers de montagne, 4,500 combattans environ.

le 18, l’ennemi attendu ne parut pas. Le 22, deux chefs des Abid-el-Bokhari, — c’était le nom des réguliers noirs, — apportèrent au général une lettre d’El-Ghennaouï ainsi conçue : « Nos camps sont dans Oudjda pour les intérêts de notre pays, alors que nous avons appris que les gens se disputaient entre eux ; et la nouvelle nous est arrivée que vous êtes à Maghnia, y séjournant pour quelques jours. Cet endroit n’est pas un lieu pour camper ni pour séjourner. Il ne peut résulter de cela que du trouble et de la mésintelligence entre les deux nations et du mal entre vous et nous. Si vous êtes toujours pour l’alliance et la conservation des traités entre notre sultan et le vôtre, retournez dans votre endroit, et, quand vous y serez, écrivez-nous selon vos intentions. Salut. »

La Moricière répondit aussitôt : « Je suis venu dans l’ouest du pays d’Oran à cause de l’insoumission de nos tribus voisines de la frontière, et, quand j’y suis venu, j’ai fait connaître au kaïd d’Oudjda la cause pour laquelle je venais, et je lui ai dit de plus que j’avais reçu l’ordre de bâtir un fort à Maghnia, afin d’obliger nos raïas des frontières à se soumettre ou à quitter le pays. Je l’informais en même temps que j’avais reçu l’ordre de maintenir la paix avec lui et d’observer les traités. Il y a bientôt un mois que je suis ici et personne de mon camp n’a commis d’hostilités sur votre territoire. Le fort Maghnia, au lieu d’être une cause de mésintelligence entre les deux nations, a pour objet de la prévenir au contraire, parce qu’il doit assurer la soumission de nos tribus de la frontière, comme Oudjda chez vous assure la soumission de vos tribus de la frontière. Tu me demandes de quitter Maghnia : je te répondrai que j’ai reçu ordre d’y venir et d’y bâtir et que je ne peux pas le quitter. Cette affaire doit s’arranger avec votre sultan et le nôtre. Je vais envoyer ta lettre au maréchal gouverneur d’Alger et au sultan mon maître ; de ton côté, écris à ton sultan. Lorsqu’ils seront informés, ton maître et le mien nous diront ce que nous avons à faire. Salut. »