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L’université de Bologne passe pour être la plus ancienne de toutes ; mais il n’est pas aisé d’assigner à sa fondation une date certaine[1]. Si l’on voulait prendre l’époque où elle a été constituée par un acte authentique, où elle a reçu solennellement la confirmation de ses privilèges, on s’exposerait à descendre trop bas. Longtemps avant d’être reconnue, elle existait. Sans doute, ce n’était pas tout à fait une université, au sens que nous donnons à ce mot, c’est-à-dire une réunion de facultés différentes qui embrassent la science entière ; c’était une école célèbre, où l’on enseignait surtout le droit romain, et qui, sous le nom de Studium Bononiense, jouissait d’un grand crédit parmi les gens des pays voisins. Mais à quel moment précis cette école a-t-elle commencé d’être ? On ne peut pas le dire avec assurance, et il y a même des savans qui prétendent qu’elle a toujours existé.

Savigny A montré, dans son ouvrage immortel, comment les villes italiennes, même après la destruction de l’empire, ont gardé le droit romain. Pour le pratiquer, il fallait le connaître, et il n’était pas possible de le connaître sans l’avoir de quelque manière étudié ; d’où l’on pourrait conclure, même si l’on n’avait pas d’autre témoignage, qu’il devait y avoir des maîtres qui l’enseignaient. Cette conclusion, M. Fitting, dans son dernier ouvrage, l’a confirmée par des preuves nombreuses. Il a montré que l’enseignement du droit n’a jamais cessé d’être donné en même temps que celui de la grammaire et de la rhétorique ; que, pendant ces siècles qui nous paraissent si misérables, la situation de l’Italie était un peu moins triste que celle des autres contrées, qu’elle semblait aux peuples plus barbares une terre privilégiée où florissait encore quelque reste des civilisations antiques et vers laquelle ils tournaient les yeux avec admiration. Dans un poème adressé à l’empereur Henri III, l’auteur, quelque moine allemand sans doute, le prie d’ordonner que, désormais, « sur la terre des Teutons, » le père force son fils à s’instruire, afin que les riches sachent lire et connaissent la loi, et qu’ainsi la sagesse règne dans tout l’empire. C’était, dit-il, l’usage chez les Romains, et voilà pourquoi ils ont été les maîtres de monde. Il ajoute que l’Italie est restée fidèle à cet exemple et que c’est sur elle qu’il faut se régler. Là, on a conservé l’habitude

  1. On pense bien que je n’ai pas l’intention de faire l’histoire de l’université de Bologne. Je renvoie ceux qui voudraient la connaître au troisième volume du grand ouvrage de Savigny, l’Histoire du droit romain au moyen âge. J’ai consulté aussi quelques-uns des travaux qui ont paru à l’occasion des fêtes mêmes qu’on vient de célébrer, notamment celui de M. Tammasja, intitulé : Bologna e le scuole imperiali di diritto, et l’ouvrage de M. Hermann Fitting : Die Anfänge der Rechtsschule zu Bologna. C’est de là que j’ai tiré tout ce qu’on va lire.