chercher davantage et que le système des plaques de blindage leur semblait définitivement condamné. À bout d’argumens, il proposa alors au gouvernement de fabriquer des plaques d’acier de 5, 7 et 8 pouces d’épaisseur, de les soumettre à l’épreuve des projectiles qui faisaient éclater les plaques de fonte, et, en cas d’insuccès, de prendre à sa charge tous les irais des expériences.
On y consentit, et, en avril 1863, il faisait fondre et laminer, en présence des lords de l’amirauté, des plaques d’acier mesurant jusqu’à 12 pouces d’épaisseur, 40 pieds de longueur et 4 de largeur, sur lesquelles s’émoussèrent tous les projectiles. John Brown n’avait pas dépensé moins de 5 millions de francs pour obtenir ce merveilleux résultat. Son succès était complet ; il fut retentissant et fit connaître son nom au monde entier. Les États-Unis, pendant la guerre de sécession, s’adressaient à son usine pour leur fournir les plaques de blindage. De Russie arrivaient des ordres considérables ; la plupart des puissances maritimes avaient recours à lui pour leurs cuirassés. En 1854, déjà colossalement riche, il cédait son usine au prix de 25 millions de francs à une compagnie qu’elle devait enrichir, et recevait de la reine Victoria le titre et le rang auxquels lui donnaient droit les grands services rendus à son pays.
Dès 1776, Thomas Jefferson, depuis président des États-Unis, déclarait « qu’il ferait meilleur vivre dans un pays sans gouvernement, mais où la presse existerait, que dans un pays sans journaux et pourvu du meilleur des gouvernemens. » La presse était pour lui « cette fenêtre grande ouverte sur le monde extérieur, » qui permet à l’homme de se détacher de la contemplation de soi-même et de suivre le cours des événemens qui l’emportent avec eux. à Donnez-moi la presse, ajoutait Wendell Philipps, et peu m’importe alors qui fait les lois et qui décrète la morale. »
« Qu’en dit le Times ? » est la phrase stéréotypée qui vient aux lèvres de tout Anglais quand un incident quelconque surgit dans le monde politique. Car, en fait, chez lui, la presse est souveraine : elle crée l’opinion publique. Elle exerce sur la race anglo-saxonne une influence bien autrement puissante que le gouvernement qu’elle domine, soutient ou renverse. Dans un précédent travail[1], nous avons eu l’occasion d’étudier ses étonnans progrès aux États-Unis,
- ↑ Voyez la Revue du 1er mai.